Chapitre 11 – La boite

Ce jour-là, lorsque je suis rentrée du collège, mes parents avaient l’air vraiment excité ! (STOOOOP ! J’en entends déjà qui se plaignent « Remboursé, c’est un scandale ! Elle nous fait du copié collé du premier chapitre, et elle n’a même pas pris la peine de changer le titre ! ». J’avoue, j’ai fait du copier-coller, mais attendez la suite avant d’appeler un avocat !)

Ce jour-là, donc, le mercredi suivant (voilà, vous voyez, c’est différent, vous pouvez raccrocher votre téléphone), mes parents avaient l’air tout excité.

Viens par ici Lola ! a dit ma mère en me voyant passer le pas de la porte.

J’ai eu l’impression que l’histoire était en train de radoter :

Maman ? Vous me faites un copier-coller de la semaine dernière ? Je vais appeler mon avocat temporel si ça recommence !

Mon père a haussé les sourcils :

Mais non, oubli GOGOL, on a quelqu’un à te présenter.

Je les ai suivis vers le salon, un peu inquiète, quelqu’un, mais qui ? Mais quoi ? Une psychologue ? ils voulaient me redresser le cerveau ! Une assistante sociale ? Ils voulaient me confier à une famille d’accueil ! Un précepteur ? Ils voulaient m’enfermer à la maison jusqu’au BAC !

Je te présente mademoiselle euh…

Sveta, a dit la demoiselle.

Je n’ai pas pu m’empêcher de sourire en la voyant. Il se dégageait d’elle une chaleur et une douceur que je croyais jusque-là réservées à ma mère.

Elle était jeune, elle avait de longs cheveux noirs comme une nuit sans soleil (je rappelle à nos lecteurs non-astrophysiciens, que c’est le soleil qui fait briller la Lune comme une ampoule) ; des iris vert foncé dans lesquels on pouvait se perdre, comme dans une épaisse forêt ; sa peau était si blanche, presque argentée, et ses dents parfaites, comme autant de diamants dans lesquelles le pourpre de ses lèvres semblait se refléter. J’étais envoûtée, était-ce une magicienne, était-ce une fée ?

C’est ta nouvelle nounou !

Mon père venait de briser le charme.

***

Ils m’ont expliqué que, par hasard, il avait vu une petite annonce à la boulangerie et qu’ils avaient pensé que, finalement, c’était une bonne idée non ?

Moi ce que j’en pensais, c’est qu’on ferait mieux d’arrêter de manger du pain, ça éviterait ce genre de « bonne » idée !

Je sentais mon sang bouillir dans mes veines, comme si j’étais rester trop longtemps dans l’espace sans combinaison (vous pouvez demander à vos amis astronautes, pour de plus ample précision !), mais avant que ma langue n’entre en éruption, Sveta a parlé :

Je suis sûre que l’on va bien s’entendre, Lola.

J’étais à nouveau sous le charme. Elle avait prononcé cette phrase avec un léger accent dont j’ignorais la provenance. Sa voix était si délicate et son sourire si lumineux. Je me suis entendu répondre :

J’en suis sûre moi aussi.

Mes parents m’ont regardé surpris.

Euh… dans ce cas, a dit mon père qui semblait ne pas avoir prévu ce cas, et bien tout est parfait, vous commencerez dès le week-end prochain.

***

Après ça, j’ai proposé de raccompagner Sveta (quel prénom délicieux).

Nous sommes entrées toutes les deux dans le vieil ascenseur. Les portes se sont refermées en grinçant et la cabine a débuté sa lente descente.

Brrr, on se croirait dans un cercueil pas vrai ?

J’en ai connu de plus confortable, m’a répondu Sveta avec un grand sourire.

Je la regardais longuement. C’est vrai qu’elle n’aurait pas dépareillée dans un cimetière, entourée de loup garou hurlants au clair de Lune.

L’ascenseur est arrivé au rez-de-chaussée, et les portes se sont ouvertes, interrompant ma rêverie. Sveta est sortie la première et s’est dirigée vers la porte d’entrée. Avant de poser sa main délicate sur la poignée, elle a marqué un arrêt, comme surprise par une sensation inattendu. J’ai vu ses narines palpiter légèrement, puis elle s’est tournée, et m’a souri à nouveau. Elle a alors entrouvert la porte ; les rayons du soleil couchant sont venus nimber ses cheveux de jais ; elle a cligné des yeux, j’ai cligné des yeux. En deux clignements d’œil à peine, elle avait mis des lunettes de soleil ! Elle a tourné la tête, j’ai vu mes reflets, tout entier contenus dans son regard de verre ; elle s’est penchée vers moi, j’ai eu l’impression de tomber dans deux puits sans fond.

Alors, à samedi, Lola.

Et elle a déposé sur ma joue un baiser frais comme la rosé.

J’ai légèrement secoué la tête, comme si je me réveillais d’un songe d’une nuit de printemps :

Euh… oui, à samedi, Sveta.

Elle s’est éloignée, avançant sur le trottoir comme une reine ; il m’a semblé que les passants s’écarter sur son passage.

***

J’ai pris les escaliers pour remonter. Ce n’est pas que, mais prendre l’ascenseur toute seule, ça me fout un peu les chocottes. L’engin n’a quand même pas loin de 2000 ans et les câbles doivent être rongés par les mites (ok, les mites ça préfèrent le bois, mais on ne sait jamais, des fois qu’il y en ai une qui veuille changer de régime).

Pendant que je gravissais les étages à la seule force de mes petits mollets, je repensais à tout ce qui m’était arrivé en quelques jours, et finalement, je trouvais que tout ça ne finissait pas trop mal non ? Plus de GOGOL pour me surveiller (je suis sûr qu’ils auraient plein de chose à se dire avec ADA) ; l’homme en noir sûrement bientôt arrêté par ma policière préférée ; le mystère de Jérémie et Lou résolu ; une super nouvelle nounou ! Bref, au moment de rentrer chez moi, je me suis dit que la vie était belle !

Mon père était dans la cuisine, en train de « jouer » avec son nouveau gadget : un super robot mixeur avec 4 ports USB, le WIFI, le Bluetooth … (je vous épargne le reste pour ne pas faire ma vendeuse de téléachat). Tout en traversant le couloir, je l’entendais s’exciter contre se « Suppositoire de l’enfer, ce n’est pas toi qui vas faire la loi ici ! ».

Apparemment, ma mère avait préféré battre en retraite dans le petit bureau, je l’entendais tapoter sur le clavier de l’ordinateur.

Arrivait au bout du couloir qui mène au salon, j’ai entendu le parquet craquer, comme s’il y avait des chips sous le tapis. C’était à peu près à l’endroit où le pied du policier avait disparu. J’ai soulevé le tapis et j’ai tâté à tâtons (je me suis permis car j’ai trouvé la phrase jolie). Une des lattes a bougé légèrement, juste au-dessus de celle que le mystérieux homme en noir avait délogée. J’ai appuyé sur un des bords, et le bord opposé s’est soulevé, assez pour que je puisse y glisser le doigts, mais pas assez pour que je ne me le coince pas !

Aie, c’est pas cette satanée latte de l’enfer qui va faire sa loi ici !

Ma mère m’a questionné depuis son antre :

Qu’est-ce qu’il y a Lola ? J’ai cru t’entendre jurer comme ton père ?

Non, non, tout va bien maman, je… je me suis juste cognée contre un meuble.

J’avais besoin d’un outil moins « sensible » que mes doigts pour venir à bout de « cette satanée latte de l’enfer ».

J’ai rebroussé chemin jusqu’à la cuisine.

Quand j’ai franchi la porte, j’ai eu l’impression de rentrer sur un champ de bataille. Il y avait des coquilles d’œuf sur la table, de la farine sur le sol, des bouts de beurre sur le mur ! Mon père se tenait fièrement devant son robot mixeur. Il avait une cuillère en bois dans une main, qu’il brandissait comme une épée, et un fouet (le truc pour battre les œufs) dans l’autre, qu’il brandissait comme un… fouet (le truc pour dompter les lions). Le robot mixeur vrombissait sur le plan de travail. Il s’est tourné vers moi avec le regard fier du gladiateur qui vient d’achever un fauve :

Ne craint rien Lola, l’homme sera toujours plus fort que la machine, j’en fais le serment. Et il a levé bien haut sa cuillère.

Je fronçais les sourcils.

Ça, je sais pas si c’est une bonne nouvelle ! Avant qu’il n’ait eu le temps de réagir j’ai enchaîné, est-ce que je peux te l’emprunter ?

Hein ? Quoi ?

La cuillère papa, maintenant que tu as vaincu, je peux te l’emprunter ?

Sans même s’étonner de mon besoin subit de cuillère en bois, il me l’a tendu et a déclaré avec emphase :

Prend mon sceptre, et fait en bon usage !

J’ai saisi le scept… euh, la cuillère et je me suis retournée pour sortir de la cuisine, lorsque soudain, une voix familière a retenti :

Et elle s’appelle « Revient », et ne l’appelle pas Robert, elle risquerait de mal le prendre !

Je me suis re-retournée, je commençais à avoir le tournis, j’ai regardé le robot mixeur les yeux gros comme des montgolfières :

C’est… lui … qui a parlé !

Mon père avait un grand sourire aux lèvres, et le stylo espion dans la main.

Un petit souvenir de GOGOL !

Ok, je crois qu’on était quitte maintenant.

***

Cette fois-ci, à l’aide de la cuillère, j’avais pu faire levier pour extraire la latte. Je la posais délicatement à côté.

Il y avait maintenant un trou béant, rectangulaire, de quelques centimètres de profondeur. A part de la poussière et une mite desséchée, il n’y avait rien de plus.

J’allais tout remettre en place, ni vu ni connu, quand j’ai aperçu une araignée sortir d’un des côtés du trou. Je me suis penchée, et j’ai vu un espace entre les deux bouts de bois qui constituaient les deux bords adjacent (voir dessin ci-dessous, si j’ai le temps de le faire, sinon je vous laisse imaginer).

J’ai glissé le manche de ma cuillère dans l’interstice et j’ai appuyé délicatement. Un des bouts de bois a basculé (c’est vraiment très utile une cuillère en bois, je vous conseille d’en avoir toujours une avec vous). Derrière, il y avait quelque chose ! J’ai glissé ma main ; mes doigts ont touché un objet ; je l’ai saisi entre mon pouce et mon index et j’ai tiré, et je me suis retrouvé avec dans la main… (oui ? quoi ? ça va durer encore longtemps !) une boîte ! (Ah d’accord, du coup c’est pour ça que le titre… ben ouai !)

***

Elle était en bois, rectangulaire, un peu plus grande qu’une boîte d’allumette, mais beaucoup plus petite qu’une boîte à chaussure (taille 22 ½). Je l’observais et j’avais l’impression un peu folle qu’elle m’observait aussi !

Elle était finement ouvragée. Constituée de plusieurs essences (c’est comme ça que l’on parle chez les arbres), allant du rouge foncé d’acajou, au noir d’ébène. Des sortes de ronces emmêlées de lierres décoraient les bords et sur le dessus, un symbole inconnu qui ressemblait vaguement à un œil était gravé. Je ne sais pas pourquoi, mais un frisson m’a parcouru l’échine, du sommet du crâne jusqu’à… la Chine ou pas loin.

Je la retournais dans tous les sens. Aucune trace de couvercle, ou de système d’ouverture ! Mon père a alors appelé depuis la cuisine :

Je crois que ça va bientôt être prêt !

Ma mère lui a répondu depuis le bureau :

Ok, j’ai bientôt fini !

J’ai remis rapido la latte, tapé un grand coup pour qu’elle reprenne sa position d’origine et replacé le tapis.

Lola, tu veux bien venir dresser la table, a demandé mon père depuis sa gargote (des fois, il se prend pour un chef cuisinier).

J’empochais rapidement la boîte :

J’arrive P’pa !

***

Après le repas, comme tous les soirs, ma mère est venue dans ma chambre pour la cérémonie du coucher. Ça consiste grosso modo à un débat d’idée sur un sujet libre (on est des intellos dans la famille !), suivi d’un échange de chaleur corporelle (un gros câlin quoi, y’a pas que le cerveau dans la vie !).

Ce soir-là, la seule chose qui me tarabustait les synapses, c’était la boîte, et comment elle était arrivée là. Mais je ne voulais pas en parler à mes parents, en tous cas pas avant d’avoir résolu le mystère, alors j’ai essayé d’orienter la conversation pour obtenir des informations, sans éveiller les soupçons.

Pour ça j’ai une technique (c’est le moment de sortir vos stylos et de prendre notes) : je pose tout un tas de questions sans rapports les unes avec les autres, et une fois que m’a mère s’est faite à l’idée que tout ça n’a aucun sens, et que si elle veut abréger, il vaut mieux qu’elle réponde, j’envoie la seule question qui m’intéresse :

Attends, encore un truc : est-ce que tu sais qui habitait ici avant nous ?

Lola, tu as vraiment besoin de savoir ça avant de dormir ?

Oui, sinon ça va tourner dans ma tête et… (Attention : argument massu) je risque de venir vous réveiller en plein milieu de la nuit !

Et là j’ai fait mon regard de chaton (deuxième technique déjà évoquée plus haut).

Soupir de ma génitrice :

De ce que je sais, c’était une vieille femme. Elle est morte avant qu’on emménage. Comme elle n’avait pas de famille, l’appartement a été mis en vente. C’était un peu avant ta naissance.

Et tu ne sais pas comment elle s’appelait par hasard ?

Mais Lola, qu’est-ce que ça peut faire ?

C’est juste que… (Attention : invention ) j’aimerais faire l’arbre généalogique de l’appartement, c’est ma prof d’histoire qui a lancé l’idée.

Ah ? C’est plutôt original. Mais je n’en sais vraiment rien. Et je suis sûre que nos voisins non plus si c’est ta prochaine question (oui c’était ma prochaine question, elle est trop forte ma mère), ils sont arrivés après nous.

Bon tant pis alors, bonne nuit m’man !

Elle a paru surprise que j’abandonne si vite, mais le soulagement l’a emporté sur la suspicion :

Euh, et bien, bonne nuit ma Lola, fait de beau rêve.

Aux âmes sensibles, j’épargne les câlins qui ont suivis.

***

Tout était silencieux dans la maison, tout sauf mon cœur que j’entendais battre plus fort que d’habitude.

Impossible de m’endormir, j’étais trop excitée par la découverte de la boîte. Je repensais à ce que m’avait dit ma mère à propos de la vielle femme, et j’étais sûre qu’une personne encore plus vielle (dans les 125 ans et 6 mois d’après mes estimations) pourrait m’en apprendre plus à son sujet. Cette boîte avait forcément un lien avec l’occupante qui nous avait précédée.

Je me grattais machinalement le sourcil gauche, trop de questions et pas assez de réponses m’empêchaient de sombrer dans les bras de Morphée. Alors je me suis levée, et je suis allée récupérer la boîte, cachée au milieu d’un troupeau de chaussettes qui sommeillait paisiblement dans mon armoire.

J’ai ouvert ma fenêtre qui donne sur la rue. En bas, tout était calme. En haut, quelques nuages naviguaient sur le ciel étoilé, poussés par la légère brise tiède que je sentais sur mon visage. Une pâle lueur éclairait le rebord de la fenêtre, celle de la lune estompée par une nonchalante masse cotonneuse.

Je regardais la boîte dans ma main, distinguant à peine ses étranges motifs, quand soudain, la lumière est devenue plus éclatante. Je levais la tête, la lune avait retiré son masque et brillait de toute sa rotondité.

J’ai alors ressenti une légère vibration dans la main, suivie d’un clic à peine perceptible, j’ai lentement baissé les yeux et… ma température corporelle a subitement baissé de 36 degrés.

L’œil de la boîte s’était ouvert, et il me regardait !

***

Note de l’éditeur :
Chers lecteurs, vous venez de lire le dernier chapitre des « Chroniques de Lola », un journal trouvé dans un placard dans des circonstances qui seraient trop longues à expliquer ici. La note reproduite ci-dessus a été découverte peu après dans le même placard. Comment elle est apparue est également une autre histoire (n’insistez pas !). Sachez seulement qu’elle était à moitié déchirée et partiellement brûlée, rien de bien inquiétant donc. Soyez assurer que nous mettons tout en œuvre pour trouver dans les meilleurs délais, le prochain volume de ce journal ( surveillance 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 du fameux placard entre autre chose). Bien à vous.

Berlu Edition

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