Ne bougez pas (4 min 57 s)

Papi, papi, racontes nous avant, quand tu étais jeune.

D’accord les enfants. Vous ai-je dis qu’en ce temps-là, j’étais le plus grand peintre du pays.

A cette époque, Il y avait un président et sa femme, des gens détestables qui volaient l’argent du peuple, et qui faisait régner la terreur ! Un jour un des soldats du président et venu me voir :

Je t’ordonne de me suivre, a-t ’il dit, notre président et notre présidente exigent que tu fasses leur portrait !

Pas question, ai-je répondu, je ne peins que ce qui est beau, et bon.

Dans ce cas, j’ai ordre de te mettre en prison !

Et voilà comment je me suis retrouvé dans une petite cellule, avec des rats pour seul compagnie.

Beurk des rats papi, c’est dégoûtant !

Pas tant que ça, je m’amusais même à peindre sur les murs, en trempant leurs queues dans la sauce tomate.

Et après papi ?

Chaque matin le soldat venait me voir pour me reposer la question, et chaque jour je répondais : « Non ! ».

Mais un jour le soldat me dit :

Par ordre du président, si tu refuses encore, demain ce sera la mort !

Ainsi donc je n’avais plus le choix.

Alors papi, tu as dit oui !

J’ai répondu : Par ordre de moi, si tu veux un peintre, prend ce rat, il suffira bien pour peindre deux scélérats !

Ou là papi, mais alors, ils t’ont tué !

Je ne crois pas, car quelque chose d’extraordinaire s’est produit ce soir-là.

Je regardai la lune à travers les barreaux de ma prison, en pensant que jamais plus je ne pourrais la peindre, quand quelque chose a semblé s’en détacher.

Une mété…roide, papi ?

Non pas une météorite, une petite lumière, qui est venue se poser sur la fenêtre.

Et une petite femme est apparue dans la lumière et m’a dit :

Je suis la fée lunatique, je viens pour te sauver, voici un pinceau magique, pour peindre le portrait.

Pinceau magique ou pas, je ne peindrai pas ces méchantes personnes ! ai-je répondu.

Bien dit papi, mais du coup tu es mort ?

Je ne crois toujours pas, car la fée a ajouté :

Ce pinceau fera de toi un héros, lorsque tu peindras leurs portraits, le président et la présidente seront paralysés.

Mais qu’est-ce que ça voulait dire ce truc papi ?

Eh bien la fée m’a expliqué qu’à mesure que je les peindrai, le président et la présidente seraient transformés en statue.

Mais il fallait faire très attention, sous aucun prétexte ils ne devraient bouger avant que le tableau ne soit achevé.

Oh, ça fait peur là papi, tu as pris le pinceau ?

Oui, car c’était une occasion unique de débarrasser le pays de ces vilains personnages.

Le lendemain, lorsque le soldat est venu me chercher pour mon exécution, j’ai dit que j’acceptais de peindre, il a alors ricané :

Ah ah, le grand peintre a changé d’avis, il a peur ! Il a peur !”

Ce qu’il est bête et méchant ce soldat papi !

Plus bête que méchant.

D’ailleurs, il m’a bêtement accompagné dans la salle du palais où m’attendaient le président et sa femme, qui eux étaient vraiment plus méchant que bête…

***

Continu papi, continu !

J’ai installé une grande toile, ma palette de couleurs, et j’ai sorti mon pinceau magique.

Qu’est-ce donc que cela ? a dit la présidente avec méfiance.

C’est un pinceau unique, que je réserve aux personnes hors du commun.

Bien, bien, a enchaîné le président, voilà qui nous convient, commence maintenant.

Avant, je dois vous avertir, il ne faut bouger sous aucun prétexte, sinon le portrait sera gâché, en êtes-vous capables ?”

Pour qui nous prend tu insolant ! Nous pouvons rester des jours sans bouger, sans boire, sans manger, sans … “

D’accord, d’accord, alors prenez la pose”.

J’ai commencé à peindre.

C’est curieux… a dit le président au bout d’un moment, je ne sens plus mes pieds.

Moi également, il faut que je change de position, s’est plainte la présidente.

Surtout ne bougez pas ! ai-je crié.

Quelques secondes après :

Mes jambes, j’ai des fourmis dans les jambes, il faut que je me gratte, c’est insupportable” a dit le président.

Aie, aie, aie papi, là, c’est foutu !

Non, car j’ai crié encore plus fort :

Ne bougez pas !

Et de surprises, ils n’ont plus dit un mot ni fait un geste. Mais peu de temps après la présidente s’est mis à gémir :

Mes bras, ils sont lourd comme de la pierre !

Moi aussi ! a dit le président, mais il faut tenir, pour que le tableau reflète notre grandeur et notre beauté.

Exactement ! ai-je acquiescé en pensant :

« C’est votre petitesse et votre laideur que je peins ». C’est à ce moment qu’une mouche est venue se poser sur le nez du président.

Misère ! Papi, il a bougé pas vrai ?

Le président a essayé de chasser la mouche avec son bras, mais comme je l’avais déjà peint, il n’a pas pu le bouger.

Qu’est ce qui se passe, mon bras refuse de m’obéir !

Comment ! a dit la présidente, qu’on le jette en prison !

Ne soyez pas sotte ! Il doit être engourdi, chassez cette mouche de mon nez.

Je ne peux pas bouger mon bras non plus, dit la présidente paniquée, que nous arrive-t-il ?

Et tous les deux se sont mis à appeler les gardes.

Papi, il faut vite t’enfuir ou ils vont te remettre en prison !

C’était trop tard les enfants, j’entendais les gardes accourir, alors j’ai peint aussi vite que j’ai pu leurs visages.

Les soldats sont entrés dans la salle du palais, l’un d’eux s’est avancé vers le président, et s’est mis au garde à vous. Au bout de cinq minutes, il s’est raclé la gorge et a demandé timidement :

Euh, monsieur le président, j’attends vos ordres.

Aucune réaction, alors il s’est approché, a posé sa main sur le bras du président et l’a retiré aussitôt.

Qu’est-ce que ça veut dire ? m’a-t-il demandé affolé.

Je ne sais pas… le président et la présidente semblent comme… pétrifiés, ai-je répondu.

Rapidement, la nouvelle s’est répandue dans toute la ville, puis tout le pays, que le président et la présidente s’étaient transformés en statues, et partout des cris de joies on retentit : « Libre ! Enfin libre ! ».

Ecoute papi, ton histoire est super, mais …

Mais vous ne me croyez pas c’est ça ? Alors attendez la fin de l’histoire.

La fée lunatique est revenue, en voyant les deux statues, elle s’est exclamée :

Encore plus moche en pierre qu’en chair, et en plus, j’entends leur râle sous leur carapace minérale.

Alors d’un geste, elle les a transformés en deux statues de colombes.

Maintenant, roucoulez autant que vous le voulez, a-t-elle ajouté, puis elle est repartie.

C’est ce couple de colombes, les enfants, que vous pouvez voir sur le rebord de la fenêtre juste là. Et si vous vous approchez sans faire de bruits, vous les entendrez, peut-être, appeler les gardes pour les libérer, mais il n’y a plus que les mouches pour les écouter.

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