Chapitre 7 – L’équipe

La porte s’est finalement ouverte et, tout en sourire contenu et joie de vivre profondément enterrée, est apparue :

Oh, salut Lou, comment ça va la vie ?

Elle s’est contentée de nous dévisager avec son regard rayon X et a fini par crier d’une voix XXL :

Jérém’, Lola est là !

Et Mathilde est ici ! a complété Mathilde.

Et vive la poésie ! ai-je rajouté.

A la tête qu’a fait Lou, je crois que cette fois-ci (bon, certaines autres fois aussi) on aurait mieux fait de se taire.

Elle s’est retournée, de dos, elle paraissait plus heureuse de nous voir que de face, et elle est partie en direction du fond du couloir de l’entrée. Faute d’invitation à rester sur le palier, nous l’avons suivie.

J’avoue, j’adore découvrir où habitent les gens. A chaque fois c’est un peu comme si j’explorais de nouveaux territoires et que je rencontrais de nouvelles peuplades. Je suivais notre guide en terre inconnue, curieuse de tout ce que je voyais, et regrettant de n’avoir pas d’appareil photo. Nous avons franchi le point d’eau de la cuisine, puis avons laissé derrière nous la vaste plaine du salon sans rencontrer âme qui vive, puis nous avons bifurqué sur un sentier montant en lacets vers les sommets. Enfin bref, on s’est retrouvée au premier étage.

Encore un couloir. Sur la droite, une porte ornée du yin et sur la gauche, une autre ornée du yang.

Tu paries sur laquelle pour celle de Jérémie ? m’a glissé Mathilde dans l’oreille.

En toute logique, le Yang, je crois que c’est le symbole du masculin.

Woua ! Quelle immense culture, et d’où tu sais ça ?

J’allais répondre que mon « immense culture » venait de la porte des toilettes d’un restaurant chinois, lorsque Lou s’est retournée.

Bon vous discutez idéogrammes ou on avance ?

J’ai montré la porte Yang :

Ben ? On n’est pas arrivée là ?

Non, ni là, ni ici, a répondu Lou avec un sourire malin accroché au-dessus du menton, c’est tout au fond !

Et tout au fond, il y avait comme dans toutes les habitations de l’univers connu :

Ça serait pas les toilettes ? a demandé Mathilde.

Si vous avez une envie pressante, c’est le moment ! a ironisé Lou, et elle a ouvert la porte, et elle est montée sur la cuvette !

On aurait dit un tableau de Magritte ou de Salvador Dali, surréaliste si vous préférez (là, j’ai frappé un grand coup niveau culture) : Lou, perchée sur sa cuvette, et probablement aussi un peu dans sa tête, la main accrochée à ce qui semblait être une chasse d’eau pendue au plafond.

Les yeux de Mathilde se sont ouverts comme des popcorns :

Non mais, qu’est-ce qu’elle est en train de faire ? Elle nous rejoue une scène de Harry Potter ? (Ok y’a que les fans d’Harry Potter comme Mathilde qui peuvent comprendre, j’y peux rien si c’est ma meilleure amie !)

J’étais trop choquée pour répondre.

On se pousse, a ordonné Lou, et elle a tiré la chasse !

Et contre toute attente, elle n’a pas disparu, comme une vulgaire « vous savez quoi », dans la cuvette.

Mais un escalier escamotable s’est déplié depuis le plafond, pivotant jusqu’au sol et manquant de nous écraser les pieds.

C’est là-haut qu’ça s’passe les filles, vous avez pas l’vertige j’espère ? Elle était hilare.

Là-haut, au-delà de la dernière marche de cet escalier surprise, il y avait une ouverture dans le plafond, et à travers cette ouverture, j’ai entendu la voix de Jérémie. Alors, portées par cette promesse d’une rencontre amicale, nous avons entamé notre ascension, pour déboucher sous les combles de la maison… dans une annexe du club d’informatique !

Mise à part le calendrier Geek et le shampoing anti-poux, il ne manquait rien : écrans, ordinateurs, bric-à-brac électronique, Alex, Jérémie, tout était là.

Et voilà, on est tous là ! s’est exclamée Lou.

Ah oui tiens, j’avais oublié Lou, elle était toujours là elle aussi.

***

Nous étions sous le toit en pente, assis en tailleur et en cercle autour d’un tapis sur lequel était dessiné un smiley souriant.

Mon portrait tout craché, s’est amusé Lou.

Je la regardais étonnée, si elle était capable de se moquer d’elle-même, tout n’était pas perdu finalement.

Il y avait à ma gauche Jérémie, Lou évidemment, Alex, et Mathilde qui regardait l’épaule d’Alex à la recherche d’un nez d’une bouche et d’yeux, qui étaient en fait 20 centimètres plus haut (à ma droite, si vous tenez vraiment à le savoir, les mêmes personnes en partant de la fin).

Je sentais que tout ce petit monde attendait que j’explique la raison de notre présence, alors j’ai sorti la boîte et je l’ai posée au centre du tapis. Jérémie, Lou et Alex se sont penchés pour l’observer. J’en profitais pour essayer de trouver le meilleur moyen de raconter ce que nous savions, mais sans passer pour des maboules.

C’est la boîte que l’homme en noir cherchait, a commenté Mathilde, me prenant de vitesse.

Alex a levé la tête, ma bouche s’est ouverte.

… Au-dessus, c’est un œil, qui s’ouvre les soirs de pleine Lune.

Jérémie s’est redressé pour la regarder, intrigué, je l’ai regardé, affolée.

…. et on aimerait bien savoir ce qu’elle contient, avant que la nounou vampire de Lola cherche à la récupérer.

Et j’ai vu les yeux de Lou pétillaient en même temps que sa bouche découvrait un sourire carnassier (bon j’exagère, c’était peut-être seulement un sourire herbivore). Machinalement, j’ai croisé mes doigts sur la tête, j’ai fermé la bouche et j’ai plongé au fond d’une piscine vide. Bong !

***

Cette fois-ci, tous les regards se sont tournés vers moi. J’ai senti mes joues s’embraser et, même si j’aurais préféré prendre mes jambes à mon cou, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai dit :

Hum, et bien disons que Mathilde, a bien résumé les choses.

Jérémie a rosi, ça m’a tellement surpris qu’une partie de mes craintes s’est envolée, il semblait partager ma gêne en plus de ma couleur de jou.

Bien, a dit Alex en faisant une drôle de grimace, on va prendre les choses dans l’ordre. D’abord la boîte, ensuite on verra pour cette histoire de… vampire ?

Oui ! Oui ! c’est ça, on verra, à pouffer Lou.

Il a saisi la boîte, qui dans sa main paraissait soudain avoir rétréci.

Aucun système d’ouverture apparent, puis il a bizarrement porté son autre main à sa joue avant de marmonner : qu’est-ce que tu en pense Jérém’ ?

Mais c’est Lou qui a répondu la première.

S’il n’y a pas de système d’ouverture, c’est que peut-être on ne peut pas l’ouvrir, et si on ne peut pas l’ouvrir, c’est que peut-être il n’y a rien à l’intérieur, elle m’a alors regardée, pas de système mystérieux, ni d’œil escamotable, et elle m’a fait un clin d’œil.

Objection, a dit Mathilde, avant que je ne plaide ma cause, tu insinues que Lola a eu une hallucination, sans preuve ? Moi, je n’ai jamais eu aucun doute sur ce qu’elle a vu, si elle dit que l’œil s’est ouvert alors je n’ai aucune raison de ne pas la croire.

Bon, Mathilde avait un peu réécrit l’histoire, mais sa confiance me re-donnait confiance.

D’ailleurs, a-t-elle ajouté, si elle m’avait dit que la boîte s’était mise à parler, je l’aurais crue aussi.

J’ai soupiré, mon avocate venait de faire voler ma défense en éclat. Heureusement, Jérémie est sorti de sa réserve pour venir à mon secours :

Ok, supposons que Lola ait raison, Lou a haussé les épaules, si on arrive à reproduire les mêmes conditions, on devrait aboutir au même résultat.

Alex, que j’avais connu plus loquace, a enchainé :

Bonne idée, y’a plus qu’à invoquer la Lune.

Lou a levé les yeux au plafond, Alex s’est déplié autant que la hauteur des combles le lui permettait, suivi de Jérémie. Puis Lou les a rejoints en position verticale, tout en poussant un soupir désabusé.

Quoi ? m’a soufflé Mathilde, ils vont faire une danse chamanique autour du tapis ?

Jérémie s’est approché d’une table sous un des pans du toit.

J’ai le nanoprojecteur !

Le nano quoi ? a murmuré Mathilde.

Ok ! a répondu Alex qui était allé s’assoir devant un ordinateur, j’ai lancé l’appli.

Lou a extrait un câble d’une caisse remplie de bric-à-brac, a branché un bout sur l’ordinateur et l’autre sur le « nanoprojecteur »

Tu sais ce qu’ils fabriquent ?

Euh, pas vraiment, mais je pense pas que ce soit du chamanisme ça !

C’est bon, a dit Jérémie, tu peux envoyer la lune.

Lou a rabattu le volet, j’ai entendu un clic du côté d’Alex, et le plafond a disparu pour faire place… à la voûte céleste.

Wouah ! Finalement, c’était vraiment un club de sorciers.

***

J’adore aller au planétarium, c’est le seul endroit où on peut dormir à la belle étoile, tout en étant confortablement installé dans des sièges moelleux (mon père me dirait que ça fait chère la sieste, mais on est jamais aussi près des étoiles que lorsqu’on dort, non ?), et là, c’était encore mieux qu’au planétarium.

Jérémie est venu se rasseoir à côté de moi, sous le ciel scintillant. Je remarquais que ces yeux scintillaient aussi, était-ce les étoiles ou était-ce moi qui les faisait briller ? Euh, j’y réfléchirais plus tard. Donc, l’obscurité invitant au silence, il a expliqué à voix basse :

Le nanoprojecteur, c’est en fait un vidéoprojecteur comme ceux qu’on a au collège, mais miniature.

Ah… a murmuré Mathilde, c’est un vidéoprojecteur pour nain en somme.

Depuis son siège, j’ai vu Alex sourire puis grimacer. Jérémie a continué :

Alex a lancé une application de simulation de voute céleste, on peut choisir le lieu, la date et l’heure du ciel qu’on veut observer et…

Et voilà, tout le monde a compris, on peut avancer au jour de la pleine Lune, a conclu Lou qui commençait à s’impatienter (en fait je crois qu’elle a dû commencer à s’impatienter le jour de sa naissance, ou même de sa conception).

Le ciel s’est animé sous nos yeux, et des poussières d’étoiles se sont mises en mouvement comme agitées par un invisible balai cosmique (oui, le balai avec lequel on balaye, pas celui où l’on danse, sauf pour les grands solitaires). Et puis la Lune a fait son entré, nimbant nos visages d’enfants du blanc velours de sa lumière. Pendant un instant, le temps a paru se suspendre à son croissant et, comme si le soleil mordait à pleines dents la nuit, la Lune a grossi jusqu’à devenir ronde (J’ai envie de pleurer, pas vous ?).

Alex est venu reformer le cercle. Nos regards étaient tout entier portés vers le ciel, du coin de l’œil, je crois que j’ai vu Lou sourire.

Soudain, une étoile filante a balafré le ciel de part en part, j’ai senti le duvet de mon bras se dresser comme électrisé par la magie de ce moment et… un cri de chien de prairie a retenti dans l’obscurité.

Mathilde s’est tournée vers moi un peu inquiète :

Lola, c’était quoi ce cri ? ça va ?

J’aurais pu lui répondre que « le chien de prairie est un adorable mammifère d’Amérique du Nord, qui en cas de danger, ou pour trouver une âme sœur pousse un petit cri délicat », et que je venais de l’imiter à la perfection mais, n’ayant pas d’encyclopédie sous la main je me suis contentée d’un :

Euh, j’ai reçu comme une décharge là.

Tout en me frottant le bras, je me suis rendu compte que Jérémie faisait de même. Lou nous a regardé en soupirant :

Mais oui ça va, c’est l’électricité statique, vous vous êtes un peu trop frotté l’un à l’autre, et surtout n’allez pas croire que c’est un coup d’foudre !

En moins d’une demi-seconde, et même si c’est la lune qui luisait au-dessus de nous, je crois que j’ai attrapé un coup de soleil, et que Jérémie aussi.

***

Bien ! a dit fort opportunément Alex, et si on s’occupait de la boîte mystérieuse.

On s’est de nouveau penché sur la boîte. La lune était maintenant à l’aplomb du tapis, je sentais Mathilde fébrile sur ma gauche, je voyais Lou jubiler en face de moi et intérieurement, je suppliais l’œil de s’ouvrir avant qu’elle n’ouvre la bouche.

Et au bout de deux secondes qui me parurent deux éternités, Lou s’est subitement levée… et sa bouche s’est ouverte :

Bon, j’ai l’impression que cette boîte a l’œil aussi vif que celui d’un poisson pané, ça serait pas l’heure de bouger de là ?

J’ai cru voir un poisson mort, enterré sous une épaisse couche de miette de pain, me faire un clin d’œil vitreux. Je suis restée muette comme si ma langue aussi était panée. Mais, un peu comme à chaque fois, Jérémie (mon beau sauveur ?) est venu tempérer les propos de sa sœur :

Peut-être que la boîte à d’autres capteurs ?

C’est possible, a enchaîné Alex, Lola, essaye de te rappeler précisément ce que tu as fait hier soir, puis il a fini sa phrase comme si sa mâchoire s’était coincée, avant que l’œil ne s’ouvre.

J’ai commencé à me gratter le sourcil gauche (je me demande s’il ne cacherait pas un bouton de mise en route de mon cerveau) et machinalement j’ai saisi la boîte avec mes deux mains, et un petit cri de chien de prairie a retenti sous le ciel étoilé, et Lou a repris lentement, et un peu gênée, sa place dans notre cercle, sous le regard scrutateur de la boîte.

***

Plus personne n’osait bouger. L’œil pivotait par petits mouvements saccadés à droite, puis à gauche. Il s’arrêtait quelques secondes, semblait dévisager la personne qui lui faisait face, et passait à la suivante dans un étrange ballet euh… carcéral ?

J’ai l’impression d’être observée à travers l’œilleton d’une porte de prison, a murmuré Mathilde. (Voilà, c’est exactement ce que je voulais dire par « ballet carcéral », merci).

J’étais toujours les mains rivées à la boîte, que je tenais maintenant à bout de bras, comme si c’était un bébé dont la couche était pleine.

Je crois que je vais la reposer maintenant.

Oui, a dit Alex, repose la… doucement.

Je l’ai déposée délicatement sur le tapis, j’ai desserré délicatement mon emprise, et je suis retournée précipitamment me coller à Mathilde et Jérémie.

Alors, la boîte a fait entendre un bruit métallique et l’œil s’est refermé.

Wouah !!

Cette fois-ci, Lou n’avait pas imité un chien de prairie, mais un chien tout court, d’ailleurs, elle en avait les yeux humides (à défaut d’en avoir la langue pendante !).

Eh Bien, a dit Mathilde avec un léger vibrato dans la voix, voilà qui innocente ma cliente de tous les chefs d’accusation non ?

Jérémie a bafouillé :

Tu… tu peux tout nous raconter maintenant ?

Je me sentais soudain plus légère, j’ai levé la main gauche et j’ai dit d’un ton solennel :

Je jure sur la boîte, de dire toute la vérité, rien que la vérité !

Amen ! a conclu Mathilde en levant les bras au plafond.

Lou s’est tapée le front, tout en souriant,

Alors, assise près du tapis, sous les regards bienveillants de désormais toutes les personnes de notre assemblé, je me suis mise à raconter les événements qui avaient précédés.

Alex était captivé, Mathilde était par instant haletante, plusieurs fois j’ai aperçu les yeux de Lou pétiller dans le clair-obscur et j’ai senti le bras de Jérémie frémir contre le mien. J’aurais voulu que cette nuit ne prenne jamais fin, même si en réalité, elle n’avait même pas encore commencé.

La lune avait déjà parcouru la moitié de l’espace lorsque je finissais mon récit. Alors, Alex s’est à demi levé, pour ne pas se fracturer à moitié le crâne sur le ciel, s’est installé devant l’ordinateur, et comme à la fin d’un film on rallume la lumière, il a éteint la nuit et ouvert le volet. A contrecœur nous avons accueilli les rayons du soleil qui se déversaient depuis la fenêtre de toit.

Bon, a dit Lou sur un air de défi, alors, c’est quoi le plan ?

***

Notre plan, a dit Mathilde, même si c’était un peu (voir carrément) le sien, c’est de se servir de la boîte comme d’un appât.

Quoi ? l’a questionné Alex, tu veux aller à la pêche aux vampires ?

Mathilde exultait :

Oui ! Et c’est la nounou de Lola qu’on va attraper dans notre filet.

Euh, c’est Sveta son nom, parce que « nounou » ça fait un peu… puéril non ? Et puis, pour l’instant c’est juste une intuition, si ça se trouve …

Mais non, tout concorde, m’a interrompue Mathilde, qui décidément se montrait maintenant encore plus convaincue que moi, et ne me dites pas que tout ça, c’est juste le hasard ? (Appel aux crabes qui lisent mes chroniques, pincez-moi je rêve !)

Arrivé à ce moment de l’histoires, vous devez sans doute vous demander comment cinq pré-ados pas trop idiots (c’est une moyenne) peuvent croire à de telles fadaises. Eh bien sachez, très cher, que ces « fadaises » comme vous dites, constituent le sel de la vie, le sucre de l’existence, le nigari de notre jeunesse (le nigari, c’est un sel Japonais, au moins y en a pour tous les goûts), et que nos yeux, plus tout à fait d’enfant, mais pas encore d’adolescent, savent encore voir le merveilleux, là où l’adulte ne verra qu’élucubrations boutonneuses ! (Ouai, quelques fois mon stylo plume à tendance à voler de ses propres ailes).

Tout ça pour dire, que même Lou avait l’air enthousiaste à l’idée de partir à la chasse aux vampires et que, par un effet de balancier un peu mystérieux, c’était moi qui commençait à avoir des doutes. Mais apparemment, il était trop tard, j’avais montré la boîte de Pandore (cherchez dans vos placards, je suis sûre que vous avez au moins un bouquin rempli de mythes), et tout le monde voulait maintenant savoir ce qu’elle contenait.

Jérémie a réfléchi à voix haute :

Le truc, ça serait de pouvoir l’ouvrir sans abîmer le mécanisme qu’elle contient.

Ouai, faudrait la supervision de super slip rouge, a dit Mathilde.

Lou l’a regardé, puis elle s’est tournée vers son Yang (égal son Rodolphe, égal son frère) :

Tu penses à ce que je pense ?

Mince elle nous faisait un numéro de transmission de pensée ou quoi ? Puis les deux, dans un parfait mouvement synchronisé, se sont tournés vers Alex.

Tu dois pas retourner chez le dentiste par hasard Alex ? a demandé Lou en toute innocence.

***

Une petite lumière s’est allumée dans le fond de mon cerveau, juste à l’endroit où je stocke les souvenirs inutiles pour plus tard, au cas où. Je re-voyais toutes les drôles de mimiques que j’avais surprises sur le visage d’Alex et le diagnostic me sautait à présent aux yeux : il avait un abcès dentaire !

Oui, a dit Alex, j’ai un abcès dentaire (qu’est-ce que j’avais dit ? Ok vous m’avez démasquée, j’ai lu cette phrase avant d’écrire la précédente) et je dois retourner me le faire soigner, mais pas question que j’aille chez ce fou furieux !

Le fou furieux en question, c’était « Doktor Zahnbrecher » (ne le cherchez pas sur Doctolib, j’ai changé son prénom). Alex nous a expliqué :

Il aurait dû prendre sa retraite il y a au moins 50 ans, en plus il voit mal, il a la tremblote et il travaille sans assistant, pas question que j’aille me refaire torturer les gencives chez cet énergumène.

Lou m’a fait un clin d’œil :

C’est pour ça qu’il est parfait, et il a beau être vieux, son matériel est de la dernière génération.

Je comprends pas trop, a demandé Mathilde, m’évitant ainsi de passer pour la fille qui ne comprend rien.

Jérémie a détaillé :

Le plan, c’est d’utiliser l’appareil de radiographie dentaire de « Doktor Zahnbrecher » pour avoir la vision de « super slip rouge », et d’utiliser les gencives d’Alex pour faire diversion.

C’est non ! a crié Alex, et il s’est levé un peu trop rapidement de son siège, avant de se rassoir encore plus vite, avec une bosse sur la tête !

T’inquiète pas, m’a dit Jérémie, pendant qu’Alex comptait les étoiles du planétarium qui venait de s’allumer sous son crâne, il a la tête dure…

…mais le cœur tout mou, a complété Lou, on peut compter sur lui.

Finalement, Mathilde avait raison, à la fin de cet après-midi-là, on avait une équipe, et on avait un plan.

Chapitre 6 – Duo sur canapé

Ding Dong ! Même si la sonnette avait sonné dans le bon sens, j’étais légèrement tendue comme une ficelle anglaise (je vous laisse chercher la traduction). L’idée qu’il puisse penser que j’étais cinglée n’était pas pour me réconforter, et même si Mathilde était là pour témoigner de ma santé mentale (ou de notre folie commune), j’appréhendais de voir la porte s’ouvrir.

Pour ne pas laisser prise à l’anxiété que je sentais poindre, je repensais à ce qui avait suivi notre visite chez Mammy. (Ouf ! Tout ça pour dire qu. e je vais utiliser pour la première fois sous vos yeux ébahie : la technique du Flash-back.)

Alors, retournons gaiement en arrière, de quelques dizaines de minutes.

***

Le dernier rebondissement nous avait laissé sans voix, et c’est en mimant un « au revoir » à Mammy que nous somme retournées chez Mathilde et plus précisément, sur son canapé, et plus exactement : affalées. L’excitation avait fait place à la fatalité.

Après quelques secondes d’électro-encéphalogramme plat, Mathilde a mollement levé le doigts comme pour demander l’autorisation de parler.

Oui ? Quelque chose à ajouter ? l’ai-je questionnée.

Bon, ok, je crois que ma théorie du « hasard » a du plomb dans l’aile.

Ouai, je crois même qu’elle vient de se faire planter un « piou » en plein cœur.

La bouche de Mathilde a dessiné une banane à l’envers :

C’est quand même une fin atroce quand on y pense.

Je tentais de relativiser :

Au moins, même s’il a porté un nom très commun toute sa vie, Mr Dupont a eu une mort très originale.

La banane de Mathilde a dessiné une bouche à l’endroit :

C’est vrai, et puis il est sûrement mort dans son lit, mon père dit que c’est ce qu’on peut espérer de mieux.

Comment ça dans son lit ?

Ben ouai, les vampires, il faut leur planter un pieu pendant qu’ils dorment dans leur cercueil non ?

J’ai alors dit sans réfléchir (ça fait partie des reproches que me font mes parents) :

Je me demande… est-ce qu’il y a des cercueils King size pour les couples de vampires ?

Je suppose, a dit Mathilde, et peut-être même des cercueils superposés pour les familles nombreuses.

Et des poussettes cercueils à roulettes pour les bébés vampires ?

Elle a fait semblant de réfléchir (elle au moins, elle fait semblant)

Là, je suis pas sûre, parce-que niveau discrétion, ça laisse à désirer, après faut pas venir se plaindre si on se retrouve avec un pieu dans le cœur.

Niveau intelligence, on frôlait la greffe de cerveau, mais niveau banane, on était de nouveau à plein régime !

***

Il n’empêche, on n’était pas plus avancée. Il nous fallait de toute urgence un plan, et vu la somme actuelle de nos quotients intellectuels, ça n’allait pas être de la tarte à la cervelle (je sais, c’est répugnant). J’ai alors vu la main de Mathilde s’approcher en catimini de la télécommande, avant de lui sauter sur le clavier, et de lui enfoncer le doigt dans l’œil (j’y peux rien si la touche télévision est symbolisée par un œil).

Et la fenêtre magique s’est ouverte ! Et sa lumière a éclairé la morne plaine qu’était devenue notre vie.

La lumière en question, c’était un reportage animalier, le genre où le commentateur semble parler lentement pour vous endormir, et doucement pour ne pas vous réveillez. Par chance, ce n’était pas sur les chauves-souris vampires ou autres sangsues buveuses de sang.

« Et donc » disait la voix monotone, « la taupe Hin-Hambour d’Australie, aime à creuser des galeries… » (je cite de mémoire, n’écrivez pas pour me dire que je raconte vraiment n’importe quoi)

Passionnant ! a baillé Mathilde

« … qu’elle utilise pour échapper à ses prédateurs. Elle peut s’y terrer pendant des heures en attendant que le danger soit passé… »

J’ai baillé à mon tour et articulé :

Un peu comme une chambre d’ado quoi !

« Ce petit mammifère a la vue basse… » la voix continuait monocorde et soporifique.

Parfois la télé, c’est une véritable machine à laver le cerveau. Toutes ces histoires de boîte, d’œil, de sang, de vampire se sont mises à tourner dans ma tête, et à se diluer peu à peu au fil du documentaire. Jusqu’à ce que :

« Cet astucieux mammifère, de la famille des talpidés, pousse ses prédateurs à se démasquer en disposant des appâts qui… », et que la fenêtre magique se referme !

J’ai mollement protesté :

Mathilde, ça devenait intéressant là, j’étais en train de m’endormir.

Sans même détourner le regard de la télévision éteinte elle a dit :

C’est ça, la solution !

Quoi ? Creuser un trou comme une taupe et se cacher en attendant que le danger soit passé ?

Non, il faut que tu démasques ton ennemie !

Je la regardais perplexe et commençais à me gratter la moustache de l’œil gauche (le sourcil, c’est un peu à l’œil ce que la moustache est à la bouche non ? Bon, je dis ça mais je n’ai pas de moustache, et j’espère que vous non plus !). Contrairement à moi, la télévision semblait avoir sur l’intelligence de Mathilde un effet bénéfique. Faisait-elle partie sans que je le susse de l’astucieuse famille des talpidés ?

C’est simple, a-t-elle continué en me regardant comme si elle ne me voyait pas (moi, je dis que ça se confirme pour les talpidés), il faut qu’on pousse ta nounou à dévoiler sa vraie nature, et la boîte va nous servir d’appât ! Mais avant ça, il faut qu’on arrive à savoir ce qu’elle cache !

Là, j’étais un peu perdue.

Tu veux dire, ce que cache ma nounou ?

Non ! a répondu Mathilde, comme si tout ce qu’elle disait était clair comme de l’eau (contrairement à ce que je la soupçonnais maintenant d’avoir bu au chapitre 4) Ce que cache la boîte, et pour ça, je ne vois qu’une solution.

J’avais beau plissé les yeux, moi, je ne voyais rien.

Il faut faire appel… à notre « team »

Elle paraissait si fière de sa conclusion, que je n’ai pas voulu lui faire de peine en lui demandant ce qu’elle entendait par notre « team ». Heureusement, les rayons gamma (à vérifier auprès d’un télévisiologue) de la télévision l’avaient aussi apparemment rendu télépathe, car elle a répondu à ma question muette :

Les jumeaux Geek et Alex, ça te dit quelque chose ?

J’ai sauté du canapé comme une puce de son chien (du point de vue de la puce, le chien c’est un canapé sur patte) :

Non, non et 3 fois non ! Point d’exclamation final !

Et voilà comment après avoir téléphoné à Jérémie, on s’est retrouvé devant sa porte.

***

La porte en question était fixée sur une maison de deux étages, lovée dans un jardin fleuri et arboré (proche tous commerces, pour ceux que ça intéresse).

Mathilde avait le doigt figé depuis maintenant plusieurs secondes. Je tentai d’entrer en communication labiale avant que des fourmis ne viennent coloniser ses phalanges distales (s’adresser au squelette en classe de SVT, pour plus d’informations) :

Euh… Mathilde, tu es toujours là ?

Elle a enfin baissé son index :

Moi oui, mais la sonnette…

Je regardais sur le bord, il n’y avait que du lierre. Pourquoi depuis le début de cette histoire, ouvrir une porte était toujours problématique ?

J’ai dû rater une marche de l’évolution, a dit Mathilde, on est peut-être passé à la sonnette végétale ? elle a haussé les épaules, signe d’abandon de toutes ses facultés cérébrales, et elle a appuyé au hasard sur une des feuilles de la plante grimpante.

Et le lierre a carillonné !

Parfois, Mathilde a des intuitions magiques, le bouton était caché juste dessous (La prochaine fois, penser à ramener un sécateur).

***

Ding Dong ! (Jingle fin du flashback. Si tout s’est bien passé, on n’a pas dû avancer d’un pouce de puce depuis le début du chapitre. Oui, c’est un peu décevant !)

Chapitre 5 – The interrogation (l’interrogatoire)

On s’est retrouvée une fois de plus sur le palier d’en face. J’étais prête à frapper les trois coups, lorsque Mathilde d’un geste théâtral a brandi un trousseau de clé.

Avec ça, pas la peine de rameuter tous les voisins et les chiens du quartier.

Mais… tu les avais déjà les clés la dernière fois ?

Ben oui, pourquoi ?

Je l’ai regardée droit dans les yeux, et j’ai bien cru voir passer un petit poisson rouge derrière ses iris couleur océan (il faudra que je pense à lui présenter le mien).

***

A peine avait-on poussé la porte qu’une voix à l’accent britannique a résonné depuis la cuisine.

O rage! O despair! O enemy old age ! (ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie !)

Je ne suis pas très douée en anglais, mais j’ai eu l’impression qu’elle citait du Shakespeare (un genre de rappeur très connu du 16ème siècle).

Tu crois que Mammy donne une représentation dans sa cuisine ?

Non je crois qu’elle est en pétard, c’est pour ça qu’elle déclame du Ronsard (Ah ? Ok, alors d’après Mathildapedia on est plutôt sur un poète français 1524-1585).

On a pénétré dans le couloir. Doddy était allongé, ou plutôt roulé comme un vieux tapis râpé, contre un mur où il était en train de dormir.

Ce chien dort plus qu’un chat, a commenté Mathilde, ou alors il est empaillé !

J’ai souri. A mon passage, j’ai eu l’impression qu’il souriait aussi, sans doute une saucisse avec ma tête venait-elle de faire irruption dans son rêve. Et puis il a laissé échapper un soupir de satisfaction côté pile, qui nous a définitivement rassuré sur son contenu.

On a poursuivi notre infiltration comme deux ninjas, vers la cuisine ou le premier acte de la tragédie semblait terminé. Profitant de cet entracte, nous nous somme introduites, sans nous annoncées, sur le lieu du drame.

Mammy était là, toute en langueur et en longueur (c’est un peu tirer par les poils, je dis ça pour mes lecteurs chauves, mais ça en jette non ?). En langueur, parce qu’elle semblait dépitée comme si la reine d’Angleterre venait d’abdiquer, et en longueur parce qu’elle était debout, grande et immobile comme un poteau télégraphique (moyen de communication d’avant le téléphone, qui est un moyen de communication d’avant l’internet).

En nous voyant, le poteau… enfin, Mammy, a retrouvé un peu d’enthousiasme :

Oh, Mathilda ay loula, quel joy dé vou voiw dant cet océyant dé twistesse ! (Oh, Mathilde et Lola, quelle joie de vous voir dans cet océan de tristesse !)

What appends Mammy ? What terrible things ? (Qu’arrive t-il Mammy ? Quelle chose terrible ?)

Mammy a soufflé comme une bouilloire et nous a répondu avec une voix de fin du monde :

No more tee Mathilda, there is no more tee ! (Plus de thé Mathilde, plus de thé !)

Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai trouvé que c’était plutôt une bonne nouvelle.

***

Sur ce deuxième entrefaite (voir plus haut pour le premier), nous nous sommes retrouvées comme par magie (rien de magique en fait, c’est un procédé qu’on appelle une ellipse) dans nos deux poufs sable mouvant favoris. Enfoncées jusqu’au nombril, nous attendions fébriles.

Mathilde n’avait pas l’air plus rassuré. Etait-ce à cause de mon histoire de vampire, ou de ce que Mammy allait nous rapporter de la cuisine ? Elle s’est tournée vers moi :

J’espère qu’elle ne va pas nous servir son…

Eye Vouala ! l’a interrompu Mammy, qui était revenu avec un plateau, nous n’ayvont plou dé ti, mais paw la gwâce dé diou, il nous weste dou…(nous n’avons plus de thé, mais par la grâce de dieu, il nous reste du…)

JELLY ! a terminé Mathilde, et sa voix s’est mise à trembler comme la chose sur le plateau, mon diou, c’est du JELLY !

Mammy s’est approchée et nous a tendu à chacune une petite assiette sur laquelle était posée une délicate cuillère que j’ai supposé venir de son service en argent, ainsi qu’une sorte de flan gélatineux, vert et transparent, que j’ai supposé venir… d’une autre planète.

La chose était agitée de léger tremblement, comme si elle avait froid, et semblait moite et gluante comme si elle avait chaud. J’avais l’impression d’être en présence d’un nouvel état de la matière. Ok, l’état solide, l’état liquide, l’état gazeux, ça je voyais à peu près, mais l’état JELLY, même mon prof de chimie n’aurait pas été capable de me l’expliquer. J’ai pris l’assiette avec beaucoup de précaution car la chose verte semblait vouloir s’en échapper au moindre mouvement un peu trop brusque. Patiemment, délicatement, j’ai ramené la soucoupe et son vert occupant, vers ma bouche. A travers son corps translucide, je voyais que Mathilde affrontait les mêmes tourments.

Bon happetit ! a jovialement lancé Mammy depuis son fauteuil !

J’ai murmuré :

C’est de l’humour anglais ?

Du coin de l’œil il m’a semblé voir Doddy pouffé tout en continuant à dormir (vérifiez auprès de vos amis vétérinaires, si un chien peut pouffer en dormant)

Mathilde a souri avec la bouche tout en grimaçant avec les yeux. Elle a pris sa petite cuillère, l’a plongé dans son martien, pour en extraire un martien plus petit, puis a englouti l’extra-terrestre extra-translucide dans un bruit de succion digne d’un film de science-fiction.

Le truc, c’est de l’avaler sans mâcher, si tu le gardes trop longtemps dans la bouche, tu risques une crise cardiaque des papilles.

J’ai découpé une portion de matière visqueuse, que j’espérais ne pas être létale (c’est plutôt mortel comme mot non ?), je l’ai posée sur ma langue, et je l’ai catapultée vers le fond de ma gorge où, comme sur un toboggan, je l’ai sentie glisser jusque dans ma piscine digestive. Puis j’ai avalé autant de salive que j’ai pu, histoire de noyer cet hôte indésirable que je regrettais déjà d’avoir ingéré.

Mathilde a reposé la soucoupe sur le plateau, j’ai fait de même, considérant que nous avions atteint les limites de la politesse, et qu’aller au-delà risquait de réduire notre espérance de vie.

Déliciousse n’est-il poynt ? (Délicieux n’est-il point ?) s’est extasié Mammy, le JELLY vous fête oubliyé toute vo soucaye ! (Le JELLY vous fait oublier tous vos soucis !)

Eh ! C’est vrai ! Cette étrange matière avait monopolisé tous nos sens, au point d’en avoir oublié la raison de notre présence (je suis sûre que vous aussi !). Mathilde, visiblement plus habituée à ce type de torture gustative, a repris le fil du chapitre :

Mammy, on aimerait te poser quelques questions sur la voisine du cinquième, tu sais, celle qui habitait là, avant que Lola n’arrive.

Je ne sais pas si c’était à cause du JELLY (il faudra que je me renseigne sur les étranges substances qu’il contient), mais Mammy semblait soudain aux anges.

Oh, may bient sour may zenfantes, j’ai twai bient connout Madame Doupont. (Oh, mais bien sur mes enfants, j’ai très bien connu Madame Dupont)

Madame Dupont, c’était son nom ? s’est exclamée Mathilde, puis elle a murmuré : tu vois, un nom parfaitement commun, a-t-on jamais vu un vampire s’appeler Dupont ?

Oune dayme tout a fête tcharmante, tje me souviente twé bien de… (Une dame tout à fait charmante, je me souviens très bien de…)

Le truc étonnant, c’est que j’ai l’impression que lorsqu’on est jeune, on redoute les questions, alors que lorsqu’on est vieux, on passe son temps à espérer qu’on vous en pose, et Mammy, ravie de cette opportunité de faire part de ses souvenirs de jeunesse (à l’époque elle devait avoir moins de 120 ans d’après ma datation), se montrait intarissable, au point d’oublier le JELLY, ce qui nous sauva probablement la vie !

Ainsi, nous apprîmes que : Madame Dupond (je sais pas si c’est avec un « t » ou un « d ») vivait seule, qu’elle n’avait pas de famille proche, qu’elle aimait le tricot et qu’elle avait même confectionné un bonnet de nuit pour Doddy (qu’il avait fini par déchiqueter car il préférait dormir tout nu !), que souvent Mammy et elle s’invitait l’après-midi pour prendre le thé, et le JELLY (là, je crois que la mémoire de Mammy lui jouait des tours), que chez elle tout était bien rangé (ça a bien changé depuis), et qu’elle avait une formidable collection de boîte ancienne et que… Mathilde l’a interrompu à ce moment-là :

Quel genre de boîte Mammy ? (En fait elle avait dit « WHAT KIND OF BOX MAMMY ?» car Mammy est à moitié sourde et complément anglaise, ou l’inverse, mais je crois l’avoir déjà dit, seriez-vous à moitié sourd ou complètement anglais ?)

Oh de magnifayk boyte, qu’elle twouvé tché les bwocantueur … (Oh, de magnifiques boîtes, qu’elle trouvait chez les brocanteurs…)

Et elle nous a expliqué que tous les samedis, Madame Dupon (ou sans « t » ni « d » ?) arpentait le quartier des antiquaires, à la recherche des fameuses boîtes dont elle remplissait ses placards, ses vitrines et tous les recoins de son appartement.

Si dje me wappell bient, elle m’a montwé oune bouwat appawtenante a nezpoleont pwemier dje cwoi, céloui que nou avont battut at wouaterlou, ay oun autwe deuye louise quatowze, dje cwoi meme qu’aille avaite oun bwoite kwonténante lay bandadge dou wamsés tri, do you imagine ! (Si je me rappelle bien, elle m’avait montré une boîte appartenant à Napoléon 1er je crois, celui que nous avons battu à Waterloo, et une autre de Louis XIV, je crois même qu’elle avait une boîte contenant les bandages de Ramsès III, vous imaginez ?)

Eh bien voilà, m’a dit Mathilde, pendant que Mammy poursuivait son monologue, c’était juste une gentille petite personne âgée (ok, elle a dit : une petite vieille) inoffensive, qui collectionnait des boîtes dont elle remplissait sa modeste demeure du sol au plafond.

Du sous-sol au plafond, j’ai rajouté.

Exactement !

Donc fin de l’enquête.

Et fin de l’histoire ?

Mais apparemment Mammy, elle, n’en avait pas terminé.

Oh et vout savaite, le plou twiste c’ête la maniew donte elle a péwdou sont mawi… (Oh, et vous savez, le plus triste, c’est la manière dont elle a perdu son mari…)

Bon, Mammy, je crois qu’on va y aller, we have to go now !

… Le pow ohm, at été retwouvé morte… (le pauvre homme a été retrouvé mort…)

On s’est extirpé avec difficulté de nos poufs mangeurs d’homme, et je me suis approchée de l’horloge figée à huit heures au-dessus de la télé, pendant que Mammy déroulait ses souvenirs :

… le queuw, c’aye le queuw qui at latché (le cœur, c’est le cœur qui a lâché)

Oui, oui, une crise cardiaque ça arrive souvent à cet âge, a diagnostiqué Mathilde, « surtout si on mange du Jelly » ai-je pensé pendant que je remplaçais les piles.

Oh no my god ! s’est exclamé Mammy, sont queuw a latché, at cowse dou piou qu’ont loui at enfontsé dedant ! (Oh, mon dieu non ! Son cœur a lâché, à cause du pieu qu’on lui a enfoncé dedans)

Je n’ai pas eu besoin de la traduction pour comprendre, et même si la grande aiguille de l’horloge venait de reprendre vie, le temps semblait s’être soudain arrêté.

Chapitre 4 – La voix de la raison

« Lola tu veux encore un peu de… VAMPIRE »

« Tu n’as pas touché ta purée… VAMPIRE, tu n’as pas faim »

« Au dessert il y a de la glace aux… VAMPIRES, tu en veux une ou deux boules ? »

NOOONNN, pitié, impossible de me sortir ce mot du cerveau, ce repas était une véritable torture.

Maman, on n’aurait pas de la glace à l’ail plutôt ?

Mon père a levé la tête de sa purée et m’a regardé comme si j’avais une saucisse au milieu de la figure :

Lola, tu n’as pas l’air bien, c’est notre expédition au commissariat qui t’a tourneboulée ? Tu es blanche, comme un vampire.

Misère ! S’il savait, il ne me « tourneboulerait » pas avec ce mot de sept lettres qui commence par un « v » fini par un « e » et vous suce le sang dès que vous avez le dos tourné !

Euh… je crois que je n’ai plus faim, d’ailleurs, j’ai promis à Mathilde de descendre chez elle ce matin, et elle doit fulminer à force de m’attendre.

Dans ce cas ne la laisse pas « fulminer » plus longtemps, a souri ma mère, tu peux y aller.

Je me suis levée avec l’impression d’avoir une boule de bowling dans le ventre et des quilles chancelantes à la place des mollets.

Et le dessert ? s’est lamenté mon père, j’avais tenté une nouvelle recette : « Ile flottante sur sa mer de fruit rouge… », mais j’étais déjà loin.

J’ai rejoint ma chambre, creusé à mains nues dans mon cimetière de chaussettes, et déterré la boîte. A son contact mon cœur s’est mis à battre à toute vitesse comme s’il était en train de monter des œufs en neige, j’ai senti mon sang dégouliner dans mes veines comme un coulis de fraise et je me suis mis à transpirer comme dans un cuit vapeur. Est-ce que je faisais une indigestion au dessert de mon père, sans même en avoir mangé ?

Et puis les couleurs de ma chambre m’ont soudain paru plus vives, les sons plus percutants, les odeurs plus prononcées, tous mes sens semblaient décuplés. Est-ce que la boîte était radioactive et m’avait communiqué des super pouvoirs ? Dans ce cas, il fallait de toute urgence que je me trouve un nom, non ? Super Lola ? Lola Fantasic ? Wonder Lola ? A moins que… n’étais-je pas en train de perdre la boule et de devenir : Super Cinglée ?

Bon, je crois que j’étais plutôt : Super Stressée, et dans ces cas-là, rien de mieux qu’une : Super Copine.

***

Dong, Ding ! Pour une raison mystérieuse, la sonnette avait sonné à l’envers. Après un grand moment de solitude sur le paillasson, qui m’avait chaleureusement accueillie par un « bonjour » et que j’avais frénétiquement remercié avec mes semelles de chaussures, la porte s’est enfin ouverte, et le visage super renfrogné de Mathilde est apparu dans l’encadrement. Aïe ! il allait falloir l’amadouer, j’essayais de calmer mon impatience :

Que me vaut cet air courroucé… très chère ?

Eh bien, sachez que je vous attendais dès potron-minet, pour que vous m’informiez de vos découvertes, ainsi que nous en convînmes tôt ce matin, par voie téléphonique. Mais de Lola Holmes, point de nouvelle jusqu’à cette heure tardive où vous fîtes grand tintamarre, pour que je vinsse vous ouvrir.

Bon, en plus du passé simple et de l’imparfait du subjonctif, Mathilde sortait les grands mots, il fallait donc un grand remède (ce n’est pas moi qui le dit, c’est le proverbe). Et dans ces cas-là, rien de mieux que le menu « plat d’excuse sauce regard humide » :

C’est vrai ma chère Waston, je suis désolée.

Désolée comment ?

Vraiment !

N’as-tu point d’adverbe plus éloquent ?

Euh, carrément ?

Mais encore ?

Mathilde, j’ai des trucs super importants à te dire là…

J’attends …

Terriblement ? Indubitablement ? Anticonstitutionnellement ? puisjeentrermaintenant ?

Mathilde a esquissé un sourire, un soupir, puis a repassé son sourire au feutre indélébile, avant de me lancer :

Bon Ok, c’est bon t’as l’autoris’

Ouf, on était de nouveau en zone anticyclonique (pour de plus amples informations, regardez la météo ce soir à la télé)

***

Alors ? m’a demandé Mathilde qui avait retrouvé toute sa bonne humeur, je veux tout savoir, et elle m’a regardé avec des spirales dans les yeux : tu vas touuut me diiiiire !

Je me suis assise sur le canapé du salon sans quitter son regard hypnotique, et j’ai plongé la main dans ma poche, mais avant d’en sortir vous savez quoi, j’ai murmuré méfiante :

Tes parents sont pas là ?

Mathilde a fait mine de regarder à droite et à gauche :

La zone est sécurisée, aucune oreille adulte à l’horizon.

Encore à une de leurs conférences sur la protection des espèces en voie de disparition ?

Tout faux, ils sont allés à un cours de cuisine intitulé : « Ragout de panda et soupe de tortue luth ».

Pas possi…

Non t’as raison, encore une réunion « sauver la planète ou ce qu’il en reste », mais… t’as quoi dans la poche, à part une demi-paire de mains ?

J’ai sorti ma « demi-paire de mains », et posé la boîte sur la table basse qui me faisait face. Mathilde a écarquillé un œil tout en décarquillant l’autre (n’essayez pas de faire la même chose chez vous, vous pourriez vous coincer les globes oculaires) :

Woua ! Tu l’as trouvé où ? Elle contient quoi ? Tu l’as ouverte ? C’est un œil au-dessus ?

A son mitraillage de questions, j’ai répondu en rafale :

Sous le plancher ! Je sais pas ! Non ! Oui !

Elle a saisi la boîte et l’a fait tourner dans tous les sens puis l’a secouée.

On dirait qu’il n’y a rien à l’intérieur, peut-être que c’est juste un objet précieux, un truc de collectionneur, comme le pot de chambre de Louis XIV ou le slip de Napoléon 1er.

Ou la boîte à sparadraps de Ramsès III ? J’aimerais bien, mais ce que je vais te révéler est bien plus (voix lugubre) … inquiétant !

J’ai pris mon élan comme si je m’apprêtais à sauter par-dessus le mur d’un asile de fou.

Hier soir, alors que j’observai la boîte éclairée par la pleine Lune, (et qu’un loup solitaire hurlait sous le ciel piqueté d’étoiles) l’œil… s’est ouvert. Et il m’a regardé.

Mathilde a lâché la boîte qui est venue s’écraser sur la table basse et a dit d’une voix mal assurée :

Euh, Lola, t’es sûre que c’est pas plutôt tes yeux qui se sont fermés et que …

J’ai continué :

Et le truc un peu flippant …

Ah parce que c’est pas ça le truc un peu flippant de l’histoire ?

Non, le truc un peu flippant, c’est que je pense que l’homme en noir a probablement piraté GOGOL dans le but de récupérer cette boîte, et qu’en plus il vient… et j’ai dégluti de Transylvanie !

Euh, mais là, elle commence carrément à me faire flipper ton histoire !

Ben non, parce que le truc carrément flippant…

Ah bon, on y est pas encore ?

Avant la révélation, j’ai eu l’impression que ma tête allait exploser, j’ai serré mon crâne entre mes mains et j’ai pris une grande respiration comme pour plonger dans une piscine sans eau :

… c’est que je crois que ma nouvelle nounou… est un vampire ! BONG ! je me suis écrasée au fond de la piscine.

Et je lui ai raconté mon rêve.

Je ne sais pas pourquoi, mais après ma « confession », je me suis sentie mieux, mon anxiété s’était à moitié diluée… dans les veines de Mathilde.

Elle s’est levée sans rien dire, a marché comme une funambule somnambule en direction de la cuisine, d’où elle est revenue 23 secondes plus tard avec un verre d’eau (mais sans minuteur).

J’ai tendu la main :

Non, c’est pour moi. Là, j’ai besoin d’un remontant, et elle a bu : cul-sec ! (N’hésitez pas à replacer cette expression : effet garantie).

***

Nous étions là et las (une fois de plus). Essorées par la vague d’adrénaline qui nous avait fait nous échouer sur le canapé comme des baleines déboussolées.

« Cétacé » (ceci est le premier et le dernier jeu de mot que vous trouverez dans ces chroniques ! Ou alors c’est que quelqu’un d’autre écrit à ma place) a dû se dire Mathilde et, un peu comme un psychiatre qui essaierait de convaincre son reflet dans le miroir qu’il n’est pas fou, elle s’est levée et s’est mise à marcher en long en large et en travers tout en parlant :

Bon, si on réfléchit calmement, après tout, on a juste une drôle de boîte, un voleur à capuche, et une nounou qui ressemble à une poupée zarbie, pris séparément, pas de quoi écrire une histoire de vampire non ? Elle m’a regardée en hochant la tête comme pour m’indiquer la seule réponse que ses oreilles étaient prêtes à entendre.

J’ai pris une grande inspiration et, pour ne pas ajouter à son trouble que j’espérais ne pas être mental, j’ai répondu en essayant de contenir ma colère :

OK, et donc tu penses peut-être que tout ça… c’est juste le hasard qui…

Voilà ! s’est exclamé Mathilde ravie, c’est le hasard, ce sont des choses qui arrivent.

Ma nounou zarbie que mes parents dégotent comme par sorcellerie ?

Le hasard !

Et son air de passer ses nuits dans un cercueil ?

Hasard, c’est le hasard, on a le droit d’avoir le teint blafard non ?

Et sa manière de mettre ses lunettes plus vite que son ombre au moindre rayon de soleil ?

Le hasard, encore et toujours, a chantonné Mathilde

Et le voleur transylvanien à capuche qui cherche sous le parquet ?

H.a.s.a.r.d !

Et son sang qui s’est évaporé avant même d’avoir touché le sol ?

Ha… sard… il faut te le dire combien de fois ?

Et la boîte à œil lunatique ?

Ha…

… sard ?

Non, là je dirais Ha…llucination.

Ah, ben voilà ! Maintenant, elle insinuait que j’avais perdu la boule et ne faisait même pas mine de la chercher avec moi, super la super copine !

Je soupirais à travers mes narines, prête à éternuer des flammes comme un dragon qui a la goutte au nez, lorsque ma mère a fait irruption sans frapper dans ma tête (c’est sa spécialité, ça et rentrer aussi sans frapper dans ma chambre) : « Lola, tu t’es encore laissée emballer par ton imagination ! ». Et comme si ça ne suffisait pas, mon père s’est invité et s’est mis à parler comme dans un livre (dont j’ai oublié le titre) : « Rappelle-toi Lola, lorsque tu as éliminé l’impossible, ce qui reste, si improbable soit-il, est nécessairement la vé-ri-té ». Super, merci ! Il faudra aussi que je mette un panneau « interdit aux parents » à l’entrée de mon cerveau ?

Sauf que, une fois le feu de ma rage éteint et les braises de ma colère refroidies, j’ai bien dû me rendre à l’évidence : si je considérais qu’il était impossible que les vampires existent, Mathilde et mes parents avaient sans doute parler avec : « la voix de la raison ».

J’ai repris la boîte. Elle me paraissait maintenant inoffensive, même si le symbole en forme d’œil et les ronces qui l’entouraient avaient quelque chose d’effrayant.

Bon, il est possible que je me sois un peu emballée, et que… vous ayez peut-être raison.

Mathilde m’a regardé un peu inquiète :

Euh, Lola, tu me vouvoies ? Ou alors tu me voies en double ? Ou bien… tu vois d’autres personnes dans la pièce ? Je suis prête à tout entendre, sauf la dernière proposition je t’en supplie !

Hum, oui je voulais dire que : « tu as raison », je suis un peu tourneboulée par tout ça, et machinalement j’ai plongé ma main dans mon autre poche.

Mathilde m’a lancé un regard affolé.

Quoi ? Ne me dis pas que tu as un autre objet démoniaque à me montrer ?

J’ai sorti ma deuxième demi-paire de main pour lui montrer son contenu diabolique.

Mais non, c’est juste …

Des piles ? mais qu’est-ce que tu fais avec des piles dans la poche ?

Eh bien, avant que tu ne démontres brillamment que tout ça n’était que hasard et hallucination, j’avais pensé rendre une petite visite à Mammy, histoire d’avoir des renseignements sur la locataire qui vivait dans mon appart’ avant qu’on emménage, y a des chances que ce soit elle qui ait caché la boîte et …

Mais c’est une super idée ! Ça va nous…euh je veux dire te dé-tournebouler complètement, mais pour les piles ?

Ah ça, un petit cadeau, pour remettre les pendules à l’heure.

Chapitre 3 – La révélation du bureau 112

Après avoir gravi les marches en imitation marbre en nous tenant à la rampe en imitation métal, nous sommes arrivés sur le pas d’une porte, qui aurait sûrement été en imitation chêne, si elle avait été la !

Crois-tu qu’il faille signaler la disparition de la porte à la police ? Ai-je fait remarquer à mon père, qui n’avait rien remarqué.

Sacrevert ! Encore un mystère ! Sans porte à laquelle taper, comment demander la permission d’entrer ?

En réponse à son involontaire quatrain (cherchez pas, c’est de la poésie), je levais le poing et lui faisais ma célèbre imitation du toquage de porte : « 3 x Toc ! » ( « Toc Toc Toc » c’était beaucoup trop long à écrire).

Alors, du fin fond du bureau 112, et probablement du fin fond des âges primitifs, un râle guttural a retenti jusqu’à nos oreilles, qui si elles avaient été papillons auraient décollé sur le champ pour rejoindre leurs cocons et redevenir chenilles.

Qui ose interrompre ma noble activité ? Qu’il se présente à moi pour recevoir son juste châtiment !

Cette tirade a eu raison des derniers efforts de mon père pour trouver un peu de logique à la situation. Il s’est tourné vers moi dépité :

Lola, je crois qu’on est chez les fous !

Il a alors fait mine de tourner une poignée invisible, puis d’ouvrir une porte invisible, et a pénétré dans le bureau.

Je le suivais prudemment jusqu’au fond de la pièce, en m’assurant qu’un entonnoir n’était pas en train de lui pousser sur la tête.

***

Eh, bonjour m’sieur dame ! s’est exclamé l’agent Adolphe en levant les yeux vers nous. Désolé, j’ai cru que c’était mon frère, qui venait encore m’apporter des stylos.

Mon père a soupiré en voyant la montagne de stylos qui jonchait le bureau, mais, ayant décidé d’abandonner son sens de la logique à l’entrée, il n’a pas fait plus de commentaires. L’agent Adolphe, alerté par ce regard consternant a cru alors bon de se justifier :

Hum oui, tout cela doit vous paraître bien étrange.

Mon père, sans se départir de son air affligé a alors débité d’une voix monotone :

Si vous voulez parler des blocs de béton sur un terrain vague…

Oui c’est vrai, il y a ça.

… et de la porte d’accès qui ne s’ouvre qu’en appelant le 17

Ah oui, ça aussi.

… et de celle qui manque ici…

Tiens ? Je n’avais pas remarqué.

… et pour finir, de ces dizaines de stylos, et… et de vos doigts bleus !

Ah oui, il avait aussi les doigts bleus.

Eh bien non ! a conclut mon père, Je ne vois pas ce qu’il y a d’étrange ici, et toi Lola ?

Là, je n’ai pas su quoi dire.

L’agent Adolphe non plus, pendant un instant il est resté figé comme si quelqu’un l’avait débranché. Et puis le courant est revenu à tous les étages, et dans un soupir de soulagement il a déclaré :

Pour les doigts bleus, j’ai une explication. On a pas reçu les cartouches d’imprimante, alors on les remplit avec l’encre des stylos, voilà rien d’extraordinaire en somme.

Certaines fois, je crois qu’il vaut mieux ne rien savoir.

Sur cet entrefaite (comme on dit dans la bonne littérature), mon inspectrice préférée a débarqué.

***

Elle était comme dans mes souvenirs d’enfance : grande, belle, rayonnante, avec un dossier à la main, qui semblait avoir été imprimé au stylo à bille.

Lola et son papa, quel plaisir de vous voir ! Venez vous asseoir à mon bureau, l’agent Adolphe est apparemment sur une… enquête prioritaire.

L’agent Adolphe a précipitamment balayer les stylos de son bureau et saisie le dossier le plus proche.

J’ai souri à mon inspectrice et lui ai dit à voix basse :

C’est l’affaire de la mystérieuse disparition de la porte, non ?

Le dossier qu’il avait entre les mains était en réalité un catalogue d’aménagement de bureau.

***

L’inspectrice m’a rendu mon sourire (on est forcément très honnête dans la police), a ouvert son dossier et en a sorti une photo.

Sacreblanc ! s’est exclamé mon père, s’agirait-il de la camionnette grise de l’homme en noir ?

Elle s’est tournée vers moi :

Lola ? Tu confirmes.

Aucun doute possible c’est bien mon utilitaire ou alors, c’est son Rodolphe.

Pardon ?

Euh… je veux dire son frère !

Mais, comment l’avez-vous retrouvé si vite ? s’est enquit mon père.

Grâce à Doddy.

Quoi ? vous avez embauché le chien de Mammy dans la police ?

Non, je voulais dire : grâce au bout de tissu qu’il a arraché au suspect. Et elle a posé un sachet plastique contenant le « morceau de l’homme en noir ».

Mon père a paru soulagé, enfin quelques graines de logique à moudre dans son moulin à cogiter.

Évidemment ! Je suppose que vous avez effectué une analyse des fibres tissulaires, ainsi qu’un spectrogramme de sa composition chimique…

Les sourcils de l’inspectrice ont légèrement frémi, mon père a continué :

Ce qui vous a permis de déterminer la provenance du tissu, son usure, d’identifier les modèles de pantalon qui l’utilisent…

L’agent Adolphe a levé les yeux de son catalogue, je me suis aperçue à cet occasion qu’il le tenait à l’envers, et a tourné la tête.

Imperturbable, et avec de plus en plus d’assurance, papa a poursuivi :

De localiser les enseignes qui vendent ces modèles, de lister tous les achats effectués…

Un téléphone s’est mis à sonner sans que personne ne réagisse.

De croiser les informations avec celles extraites du reste d’ADN présent dans les fibres du tissu, pour finalement aboutir à l’adresse d’un suspect et au numéro d’immatriculation de son véhicule.

J’ai failli applaudir. Ça, c’est mon père !

L’inspectrice été bouche bée, mais elle a quand même fini par articuler un :

C’est-à-dire… qu’en fait… on n’a pas eu à faire tout ça, parce que le morceau de tissu, c’était une poche, et que dans la poche, il y avait un papier, et sur le papier : une adresse !

A l’autre bout de la pièce, Adolphe a soupiré :

Un coup d’pot quoi, comme dans 90 pourcent des 10 pourcent des affaires que l’on résout (je vous laisse résoudre l’affaire des pourcentages).

Mon père a balbutié :

Mais… l’ADN, le spectrographe… les fibres…

Oh vous savez, a continué l’agent Adolphe, on n’a déjà pas de quoi s’acheter une porte, alors des analyses ADN…

Re-soupir de mon père (Merci de vérifier plus haut s’il a déjà soupiré, sinon rayer la mention inutile).

L’inspectrice paraissait un peu gênée :

Oui, on peut dire que la chance était de notre côté, elle a sorti le bout de papier, qu’elle a déplié devant elle.

J’ai alors vu le visage de mon père se décomposer, son teint jaunir, ses cheveux blanchir, une partie de son nez s’effriter pendant qu’un vers de terre en sortait.

Etonnant non ? a lancé Adolphe depuis son bureau.

***

Quoi ? Qu’est-ce qui est si étonnant ? J’aimerais bien le savoir (si vous aussi, signez la pétition au bas de la page).

Eh bien je vais vous le dire (bon, laissez tomber la pétition)

Non mais, c’est le magasin de GOGOL ! s’est exclamé mon père.

Je me suis penchée vers le bout de papier. Il y avait marqué : « Pixel Plus » suivi de : « Tout l’inutile qui vous deviendra indispensable » suivi de : un dessin fort mal réalisé représentant des gadgets informatiques, suivi de : l’adresse (j’espère que vous avez suivi).

L’inspectrice a expliqué que la camionnette appartenait au patron de l’établissement qui avait déclaré que : « C’est mon employé qui l’utilise, moi j’ai rien à voir avec ça ! Un jeune toujours en survet’ à capuche, vous voyez le genre. Et en plus avec un accent étranger, vous avez tout compris. Depuis une semaine : plus de nouvelle, mais ça m’étonne pas, vous savez de nos jours mademoiselle on peut plus compter que sur soi-même, d’ailleurs c’est moi qui ai fait le dessin de mon prospectus, qui soit dit en passant est plutôt pas mal, comme vous d’ailleurs, voire carrément bien. Mais c’est normal je crois que j’ai un don, à ce propos j’ai réalisé quelques estampes qu’à l’occasion je pourrais vous montrez un soir après le travail et…» patati et patatra, mon père venait de s’ébouler (c’est comme être effondré mais en pire) sur sa chaise. Lorsqu’il s’est remis à parler, j’ai eu l’impression que ses cordes vocales étaient légèrement désaccordées.

Il a probablement piraté GOGOL avant même que je ne l’achète, c’est comme ça qu’il a pu entrer dans l’appartement !

C’est ce que nous soupçonnions, a acquiescé l’inspectrice sans s’inquiéter de sa mû (si vous ne savez pas ce que c’est, ne vous inquiétez pas, vous aussi, bientôt, vous saurez), et maintenant que vous confirmez qu’il s’agit bien de ce magasin, cela ne fait plus aucun doute.

C’est marrant non ? a ajouté Adolphe depuis son bureau, c’est comme si vous aviez donné vos clefs directement au voleur ! Et puis il a réfléchi, non ! en fait c’est comme si un voleur vous avait vendu des serrures antivols, il a encore réfléchi, non ! en fait, c’est comme si… Mais l’inspectrice est intervenue :

Hum, je crois qu’on a compris Adolphe, pas la peine d’en rajouter.

Oui, pas la peine, mon père venait de se ré-ébouler !

***

Nous étions là et las (enfin surtout papa), assis sur nos chaises dont les huit pieds avaient déjà eu bien du mal à supporter le poids des révélations précédentes, alors même que la principale restait à venir ! (Ne suis-je pas la maîtresse du suspens ? j’en vois un qui lève le doigt au fond ? « Oui maîtresse, vous l’êtes ! », Merci).

Mon père, qui reprenait peu à peu ses esprits et dont l’implacable logique tentait de surnager dans cette tempête d’informations, se risqua à une supposition :

Si je comprends bien vous avez retrouvé le véhicule, identifié l’individu, compris son mode opératoire… il ne reste donc plus qu’à l’appréhender ?

Je zoomais sur l’inspectrice, papa avait parfaitement résumé l’épisode, il ne restait qu’à apporter la conclusion et à envoyer le générique de fin.

C’est que… j’ai bien peur qu’on ne puisse pas conclure cette affaire aussi rapidement que vous l’espériez (Ok, on rembobine le générique). Après avoir obtenu le nom et l’adresse de l’individu, nous sommes allés aussi vite que possible à son domicile pour l’interpeller, mais hélas à notre arrivée, il avait déjà filé.

Faut dire qu’on a eu un petit problème mécanique, a cru bon d’ajouter Adolphe, qui devait en avoir assez de lire son catalogue en version Manga (à l’envers quoi), on a dû finir en trottinette électrique !

Ce dernier détail s’est visiblement faufilé depuis le conduit auditif de mon inspectrice, jusque dans sa gorge où il est resté coincé. Après un discret raclement de l’œsophage (voir planche d’anatomie en annexe), elle a précisé :

Hum, oui, nos véhicules d’interventions sont un peu … vétustes, tout comme nos locaux.

Mon père et moi avons hoché la tête, en signe de communion.

Mais, a continué l’inspectrice comme pour s’excuser, nous avons pu établir un portrait-robot du voleur, et elle a sorti une feuille de son dossier qu’elle a posée devant nous.

De ma voix la plus neutre possible j’ai fait remarquer :

Ça ressemble à un smiley à capuche non ?

L’inspectrice a baissé la tête vers le dessin, puis l’a repris précipitamment.

Euh, oui, désolé, le propriétaire du « Pixel Plus » a tenu à nous montrer ces incomparables talent de dessinateur, voici celui réalisé par nos soins.

Une plume glacée a glissé le long de mon épine dorsale. J’avais en face de moi le regard à la fois déterminé et inquiet de l’homme en noir, entre-aperçu lors de notre fuite. Le reste du portrait (veuillez prendre une feuille de papier et un crayon) montrait un visage long, émacié et anguleux, encadré de cheveux noir et barré à l’horizontale d’une bouche aux lèvres bien dessinées, et à la verticale d’un nez fin et allongé (voilà, vous devez avoir le même portrait sous les yeux, sinon, envisagez de prendre des cours de dessin !).

Le plus étrange, n’était cependant pas le visage, mais les inscriptions au bas de la feuille qui …

Mais qu’est-ce qui est inscrit au bas de la page ? a demandé mon père (qui avait visiblement décidé de casser tous mes effets !).

L’inspectrice s’est penchée comme pour nous confier un secret :

C’est son nom, et surtout, et ça je suis sûre que ça va t’intéresser Lola, avec ton imagination débordante (comment elle sait ? Elle lit mes chroniques ou quoi ?), sa ville d’origine : Sibiu, en Roumanie et plus précisément … (Bon finalement ça ne serait pas elle, la maîtresse du suspens ?) en Transylvanie.

BANG !! Une chauve-souris venait de passer le mur du son à travers mon crâne ! Des images oubliées ont jailli de ma mémoire onirique, et un mot s’est imprimé à l’envers sur ma rétine en même temps qu’une lampe à incandescence (penser à la remplacer par une lampe à LED) s’est allumée derrière mes yeux pour projeter en géant sur le mur du bureau :

ERIPMAV !

Chapitre 2 – A la recherche du commissariat perdu

“Vous êtes arrivé à destination !” Mon père obéit docilement au GPS (qui avait un peu la voix de gogol, c’est étrange) et gara la voiture le long du trottoir.

Papa, tu es vraiment sûr que c’est là ?

Bien sûr que je suis sûr, on peut se fier au GPS, il est précis à la seconde et au mètre près !

Je regardais autour de nous, tout en me demandant si Albert Einstein, mon père et moi avions la même notion de l’espace-temps.

Tout ce que je voyais dans un rayon de 1500 millimètres (je vous laisse convertir en mètre), c’était une barrière avec marqué « Interdit au public » qu’une personne en tenue de chantier était en train de manœuvrer. J’en profitais pour me moquer gentiment :

Regarde papa, un policier avec un marteau piqueur et un casque jaune sur la tête !

Mon père, qui semblait déjà moins sûr d’en être sûr, réfléchit quelques secondes, et finit par émettre une hypothèse :

Il se pourrait fort bien que la carte du GPS ne soit pas tout-à-fait à jour, nonobstant le fait que je l’ai achetée la semaine dernière et que le vendeur, que je retournerais voir pour lui exprimer en terme choisi ma façon de penser, m’a garanti la fraîcheur des informations pour “à peine” dix euros de plus, et il a claqué la portière en guise de point finale, VVRANCK (c’est ce que j’ai trouvé de plus approchant pour un bruit de portière qui claque)

Lorsque mon père est agacé, il a tendance à faire des phrases télescopiques et là, je crois qu’il commençait à être plus que « légèrement » agacé (mais moins que « vraiment », on va dire « moyennement » si cela vous convient, et si ça ne vous convient pas, c’est la même chose, parce que là, moi aussi je commence à être agacée et à faire des phrases à rallonge).

***

Nous étions tous les deux sur le trottoir, scrutant l’horizon comme deux indiens déplumés, à la recherche d’un indice pouvant nous mettre sur la piste du commissariat, lorsqu’un homme casqué de jaune s’est approché de nous pour nous interpeller d’un :

Police, vos papiers s’il vous plaît !

Je regardais mon père, stupéfaite. Quoi ? Finalement les policiers se baladent vraiment avec un marteau piqueur et un casque jaune sur la tête ?

Désolé, a ajouté l’homme en jaune, dans un grand sourire, j’ai pas pu m’empêcher en vous écoutant. Pas d’panique la police nationale n’a pas changé d’képi, elle a juste changé d’bocal.

Euh… vous voulez dire de local ? a demandé mon père.

C’est ça ! Les anciens bocaux ont été rasé pour faire place à du neuf, et en attendant, toute la brigade a été transvasée dans des bâtiments temporaires un peu plus haut dans la rue, et il a indiqué une direction.

Mon père l’a remercié chaleureusement, mais avant de partir il a demandé :

Et, par curiosité, les travaux ont commencé quand ?

Plus d’un an m’sieur ! C’est que, pour faire les choses bien, il faut prendre son temps pas vrai ?

Je regardais derrière la barrière, et n’y voyais qu’un grand trou. Mwouai, pas la peine d’avoir des marteaux piqueurs, si c’est pour creuser à la p’tite cuillère.

***

Je ne sais pas à quoi je m’attendais, mais je sais à quoi je ne m’attendais pas, et c’est justement ce qui nous attendait lorsqu’on est arrivé devant le commissariat de police (relisez cette phrase à l’envers pour défaire les nœuds qu’elle a dû provoquer dans votre cerveau).

En lieu et place d’un bâtiment rutilant drapé des couleurs de la république, auquel tout bon citoyen est en droit de s’attendre (ici, faites résonner la Marseillaise dans votre tête), nous nous sommes retrouvés devant un empilement de blocs de béton qui avaient l’air d’avoir été jeté là, faute de place à la déchetterie la plus proche.

Mon père m’a lancé un regard de homard, le genre qui après s’être demandé où il était tombé, se rend compte que c’est dans une casserole d’eau bouillante.

Papa, je te rappelle que je suis ta fille, et que c’est toi qui es censé me rassurer.

Euh, Lola, ne t’inquiète pas. Tu sais parfois la première impression n‘est pas la bonne, l’extérieur ne reflète pas toujours la beauté intérieure, et là il a semblé chercher un exemple pour appuyer sa démonstration. Je suis venu à son secours :

Un peu comme ce qu’a dû penser maman quand elle t’a rencontré ?

Euh… oui !

Regard de homard !

***

On s’est donc retrouvé devant l’entrée du bâtiment principale. Papa a regardé à droite, puis à gauche, espérant trouver une sonnette ou quelque chose ressemblant à un bouton d’appel.

Bon sang, comment on est censé rentrer ? Il y a forcément un moyen !

Pendant qu’il réfléchissait, je faisais le tour du propriétaire. En plus des différents parallélépipèdes (désolé d’évoquer de pénibles souvenirs de cours de géométrie) qui constituaient l’architecture du lieu, il y avait, sur le terrain vaguement aménagé en parking, une dizaine de véhicules, dont le seul point commun était un état de délabrement qui aurait valu une mise à la casse immédiate, s’ils n’avaient été surmontés d’un gyrophare.

Il doit y avoir un système de protection très sophistiqué, a fini par dire mon père, c’est évident qu’on ne rentre pas dans un commissariat comme dans un moulin.

Je me suis approchée à mon tour et me suis collée à la vitre pour essayer de voir à l’intérieur du moulin, euh… du commissariat.

Évidemment elle est teintée, a ajouté papa, sécurité oblige, un commissariat c’est un peu une forteresse !

Je retirais alors mes mains pour lui montrer le type de « sécurité » employée.

Je crois que c’est juste… de la crasse !

Mon nettoyage involontaire avait au moins eu le mérite de nous permettre de voir à l’intérieur.

Il me semble voir un petit panneau ! s’est exclamé papa, Oui ! il y a un code écrit dessus, c’est le numéro à taper. Il doit y avoir un clavier pas loin.

Je me suis penchée moi aussi pour voir le message et j’ai demandé :

Papa, je peux t’emprunter ton tel’ ?

Euh, oui, si tu veux, mais si tu m’aidais plutôt à chercher le digicode, en général c’est juste à quelques centimètres… et il a recommencé à fureter autour de la porte.

Au bout de quelques secondes, voyant que j’étais en conversation, il s’est approché.

Lola, à qui es-tu en train de… et la porte s’est ouverte comme par magie.

Ce n’est pas la phrase de mon père qui l’a ouverte, « sésame ouvre-toi », je veux bien mais : « Lola à qui es-tu en train de … », ça laisse à désirer comme phrase magique non ?

Les deux battants de la porte vitrée ont donc glissé, pas de manière naturelle, ni surnaturelle, mais plutôt… sous-naturel, car de l’autre côté, point de bon génie mais…

Eh, mais c’est notre inspecteur ! s’est exclamé mon père.

Et pour une fois, il n’avait pas complètement tort !

***

Pas complètement, parce que si l’homme qui nous faisait face ressemblait bien au petit inspecteur légèrement enveloppé, il lui dissemblait (non c’est pas un mot que je viens d’inventer) suffisamment pour que ce ne soit pas lui.

Il avait le visage rougi par l’effort :

Désolé m’sieurs dame, la porte est en panne, il faut l’ouvrir manuellement depuis l’intérieur, c’est pour ça que j’ai mis le petit panneau. J’étais pas sûr que tout le monde comprenne qu’il faille appeler le 17 pour avoir le commissariat et demander qu’on vienne ouvrir, mais apparemment ça marche pas trop mal !

Euh… oui, a dit mon père en me regardant, c’était évident bien sûr, et il m’a fait un clin d’œil raté.

Par contre, a-t-il ajouté en traînant un doigt sur la vitre, je crois qu’un zeste de ménage ne serait pas de trop !

Le policier a fait mine d’être étonné,

Ah bon ? Pourtant il vient d’être fait, il y a peine 3 mois !

Je ne me permettrais pas de juger, c’est à peu de chose prés, la dernière fois que j’avais rangé ma chambre.

***

Une fois à l’intérieur de la “forteresse”, la normalité a semblé reprendre ses droits. Il y avait un large vestibule (rien à voir avec la bulle dans laquelle votre poisson range sa veste rouge après une dure journée de travail), avec en son centre un bureau flambant neuf en arc de cercle.

L’agent nous a devancé pour aller se poster fièrement derrière son office, et nous a accueillie comme s’il n’avait jamais bougé de son poste.

M’sieur dame, bienvenue au commissariat principal, je suis l’agent d’accueil Rodolphe, que puis-je pour vous !

A l’audition de cette simple phrase, j’ai eu l’impression qu’on venait de secouer la boule à neige qui me sert de matière grise. Une avalanche de questions est venue s’écraser à l’arrière de mon sourcil gauche, que je commençais à gratter frénétiquement.

Commissariat principal ? Si ça s’était le commissariat principal, le secondaire était en quoi ? En papier mâché ? Et le tertiaire ? En bouse de yak séché ? Et les autres ? (Peut-être un assemblage hétéroclite de paille et de crotte de nez).

Et puis Rodolphe ? Comment pouvait-on encore s’appeler Rodolphe au 21 siècle ? De tous les prénoms disponibles, je crois bien qu’on ne pouvait en trouver de pire ! (Désolé pour mes lecteurs ou lectrices qui s’appellent Rodolphe, vous pouvez remplacer tous les Rodolphe qui suivent par un prénom de votre choix… du moment qu’il se termine par « lphe » !)

Et ensuite, comment ce faisait-il que cet atrocement prénommé Rodolphe, ressemble à ce point à mon inspecteur ! Est-ce qu’un peu comme des moules à cake, il y avait des moules à policier ?

Du fin fond de mes pensées me parvint alors une voix. Était-ce la voix de la sagesse ? Était-ce la voix de la connaissance ? Non, juste la voix de mon père, qui répondait à l’agent qui demandait la raison de notre présence.

Ah mais oui ! s’exclama “Rodolphe”, je vois parfaitement qui vous êtes, c’est mon frère aîné qui est en charge de l’enquête avec l’inspectrice.

Woua ! si je m’attendais à ça, mon agent avait un frère policier !

Bureau 112 au 1er, c’est là que vous trouverez mon frère : Adolphe.

Arghh ! les parents de Rodolphe avaient réussi à trouver encore pire !

Je crois que pendant quelques secondes, de battre mon cœur s’est arrêté.

Chapitre 1 – Le rêve

Un rayon lumineux vient perforer mes paupières en même temps qu’une onde sonore vient caresser mes oreilles :

Bonjour Sveta, bien dormi ?

Mes bras se déplient comme les ailes d’une chauve-souris.

Mmmmm … j’ai l’impression d’avoir dormi 100 ans !

Elle se penche vers moi :

99 pour être précise.

Ses yeux sont verts, elle les tient de moi, forcément, c’est ma mère non ?

Quelque chose me tapote le cortex, comme un souvenir qui ferait des claquettes dans un coin de ma tête pour que je le remarque.

Et soudain, je la vois, et dans mon souvenir, elle a les yeux bleus !

***

Une onde de chaleur vient caresser mon visage en même temps qu’une voix solaire vient murmurer à mes oreilles :

Bonjour Lola, bien dormi ?

Mes bras se déplient comme les ailes d’une … d’une quoi déjà ?

Mmmm … j’ai l’impression d’avoir dormi … 100 ans ?

Elle s’écarte de moi :

Non, 10 heures … seulement !

Son sourire fait éclater dans ma tête des bulles de joie. Ses yeux sont bleus, rien de plus normal, elle les tient de moi, c’est ma mère non ?

Quelque chose me fait frissonner les neurones, comme un morceau de nuit qui s’échapperait sur un courant d’air.

Tu as fait de beaux rêves ?

Question rituelle depuis que j’ai 3 ans.

J’m’en souviens plus !

Réponse habituelle depuis que j’ai 9 ans, et qu’un agent d’entretien passe la serpillière dans ma boîte crânienne tous les matins, juste avant de m’ouvrir les paupières pour aérer mon cervelet. Bon de toute façon, les rêves c’est propriété privée !

Voilà comment tout avait commencé ce drôle de samedi matin !

***

J’étais à peine en train d’émerger de mon océan de draps, chancelante comme un vieux marin qui n’aurait pas le pied marin, lorsque ma mère s’est dirigée vers mon placard pour un contrôle surprise. Ça aussi ça fait partie du rituel, du coup c’est plus vraiment une surprise.

Elle a ouvert la porte, et son sourire a pivoté d’un demi-tour (ou 180 degrés pour les matheux), j’ai eu l’impression qu’elle venait d’ouvrir une boîte de conserve avariée.

Lola, qu’est-ce qui s’est passé dans ton armoire ? Tu héberges un diable de Tasmanie ou quoi ?

J’ai déambulé jusqu’à elle, insouciante :

Bin oui ! Leur habitat naturel est en voie de disparition, si je pouvais par mon action contribuer à la survie de l’espèce…

Mouai, en attendant, ton diable et toi vous allez faire un peu de rangement, sinon c’est ma bonne humeur qui risque de disparaître.

Elle a commencé à remuer mes chaussettes en essayant de reformer des couples. Je trouvais son incursion dans leur vie sentimentale très indiscrète :

Maman, les chaussettes ne font pas parties des espèces en voie d’extinction, c’est pas la peine de jouer les entremetteuses…

Et d’un coup, je me suis rappelée… la boîte !

Euh… mais laisse, c’est à moi de m’en occuper, tu as bien assez à faire comme ça !

Elle s’est retournée, son regard a balayé la chambre avant de se poser sur moi, comme pour s’assurer que ce qu’elle venait d’entendre était bien sortie de ma bouche, puis sa grimace a pivoté de 180 degrés (un demi-tour pour les non-matheux), et son sourire est réapparu.

D’accord, mais je te rappelle qu’une paire est constituée de deux chaussettes d’à peu près la même taille, et d’à peu près la même couleur !

Je lui ai rendu son sourire :

J’essaierai de m’en rappeler… à peu près.

Puis elle a tourné les talons, et le reste (elle n’est pas contorsionniste) et s’est dirigée vers la porte.

Je t’attends pour le p’tit dej !

Ok, on arrive dans 5 minutes, mon diable de Tasmanie et moi.

***

La porte venait à peine de se refermer que j’étais déjà la tête dans le placard, le nez dans les chaussettes, en train de remuer les paires comme des boules de loto. Au bout de cinq secondes, Bingo ! La boîte était dans ma main. Je l’observais un peu tremblante. Son œil gravé sur le dessus était endormi. Est-ce que vraiment il s’était ouvert la nuit dernière ou tout cela n’était-il qu’un rêve ?

Faisant fi (expression désuète du 13ème siècle, pour les amateurs d’expression désuète du 13ème siècle) de mes doutes nocturnes, je décidais de faire confiance à mes sens aiguisés et de laisser mon bon sens me guider (oui, j’écris en rime à l’occasion, et je parle bien du bon sens qui m’a fait me retrouver enfermée dehors dans mes précédentes chroniques). Et puis, même si je n’avais pas réussi à ouvrir la boîte, je savais déjà ce qu’elle contenait (attention révélation) : de l’aventure ! (Je sens comme une odeur de déception, ne serait-il point temps d’aller se laver ?)

***

Après mes ablutions, je me suis retrouvée devant la glace de la salle de bain pour faire le point.

Je ne sais pas pourquoi, mais devant un miroir, j’ai l’impression qu’on réfléchit mieux (ou alors c’est juste un effet d’optique ?). Peut-être le fait de parler à une personne qui vous comprend vraiment et qui ne fait pas non de la tête quand vous faites oui.

Pour mener à bien mes investigations, j’allais avoir besoin d’une assistante capable de m’introduire dans les conduits auditifs passablement obstrués d’une personne carrément britannique. Après réflexion, mon reflet et moi sommes tombés d’accord sur la personne à contacter.

Je suis allée discrètement prendre le téléphone du salon (J’en entends qui textote pour me demander pourquoi je n’utilise pas mon téléphone portable, eh bien je suis désolée de ne pas pouvoir leurs répondre, mais je suis probablement la seule pré-ados de mon collège, voire de tous les collèges de France, voire de tous les collèges de l’univers, à ne pas avoir de téléphone portable, et si vous voulez savoir comment au 21ème siècle une chose pareille est possible, envoyez un texto à mes parents, ils vous expliqueront tout sur les ondes multi-G qui vous cuisent la cervelle à la coque)

Tuuuuut, clic…

Mathilde ?

Vous êtes bien sur le répondeur de Mathilde, je ne suis pas disponible pour l’instant, ou bien je n’ai pas envie de vous parler, ou bien j’ai envie mais une envie plus pressante m’empêche de vous répondre. Veuillez laisser un message, pas trop long car je n’ai pas que ça à faire, merci… et avant que j’oublie…BIIIIPPP.

Mince, pas la peine d’avoir un téléphone si c’est pour le laisser éteint !

Bon Mathilde, c’était pour te dire que j’avais des trucs à te dire… et que ton message est pas terrible, surtout le bip, on dirait que tu l’as fait avec la bouche et…

Et quoi ? Moi je l’ai trouvé super mon BIIIPP.

A d’accord, elle me faisait une blague du matin, ok, tu l’auras voulu :

Alors avant que ça raccroche, c’était pour t’avertir que je comptais descendre chez toi dans pas longtemps pour te montrer un truc dément, mais bon si t’es pas là…

Eh mais je suis là ! C’était pour rire, y’a pas de répondeur en fait, c’est moi !

Ouai, cool ton message à rallonge, on pourrait croire que t’es vraiment là, bon ben j’espère tu auras ce message rapidos, sinon j’irais chez Sarah, ou Amélie je sais pas…

Mais… je suis pas en replay là, je suis vraiment là…

Bon ben… tant pis, j’aurais vraiment aimé te parler en vrai.

Mais JE TE DIT…

Et j’ai posé le téléphone et cessé de respirer.

Lola ? Lola ? Non mais… t’as pas vraiment raccroché ? LOLAA, redécroche tout de suite !

Eh calmos, tu vas me décoller les oreilles ! T’as pas aimé ma contre blague du matin ?

Je l’ai senti hésiter entre vengeance et impatience, mais la curiosité a fait pencher la balance.

C’est quoi ton truc dément ?

Un truc sur lequel il va falloir enquêter, et pour ça j’aurais besoin d’un Watson.

Une Emma Watson ? C’est tout à fait moi ça !

Non, c’est du docteur Watson que je parlais, tu sais, le pote à Sherlock.

Aurais-je encore senti une légère odeur de déception ?

***

Cinq minutes et quelques miettes de biscotte (complète) plus tard, j’étais habillée et rassasiée, prête à partir à l’aventure, chapeau vissé sur la tête et fouet à la main (ok, cette dernière partie est purement fictive, vous pouvez l’effacer SVP, j’ai perdu mon correcteur).

Père était également en tenue d’apparat, enfin, pas dans sa tenue traditionnelle de sportif du samedi.

Papa ? Je sais bien que le short ne te va pas très bien, mais de là à mettre un pantalon et une chemise pour aller courir …

Hum… a commencé ma mère en voyant son « époux » (je sais ça fait carrément vieillot) froncer les sourcils, mais bien sûr que ton père est très beau en short, d’ailleurs il l’est, quelle que soit sa tenue voyons !

Les paroles de son « épouse » (non mais vraiment vieillot), ont remis les sourcils de mon père à l’horizontale. Il s’est alors adressé à moi en prenant son air d’ambassadeur :

Sachez, jeune fille, que je ne vais pas courir, mais à un rendez-vous de la plus grande importance, il a levé bien haut le menton et bombé le torse.

Diantre ! Mille excuses monsieur, j’ignorais que votre éminence était attendue en haut lieu. Pourriez-vous nourrir notre curiosité quant à la teneur de ce rendez-vous, sans enfreindre le protocole il va de soit (jamais depuis mon 1er cri, phrase mieux tournée ne sortit de ma bouche).

Avant même qu’il ne puisse répondre, un « coucou » a retenti dans la cuisine, suivi de huit autres, qui lui ont cloué le bec. Heureusement dans ces cas-là, ma mère prend le relai.

On a rendez-vous au commissariat ce matin à 9h30 avec l’inspectrice, il parait qu’il y a du nouveau dans l’enquête, moi je ne peux pas y aller, alors c’est ton père qui s’y colle.

Sacrebleu (Ou « Sacrerouge » si vous préférez, chacun ses goûts et ses couleurs après tout) ! Ce matin j’avais prévu d’aller retrouver Mathilde pour commencer ma propre enquête, et là j’apprenais que l’enquête « officielle » avait pris de l’avance ! « Non de non », je n’allais pas me faire doubler sans rien faire.

Papa ! tu sais que j’ai toujours rêvé de visiter un commissariat ?

Euh… non, première nouvelle !

Aie, il allait falloir employer la ruse :

Mais si, je te l’ai déjà dit plusieurs fois, mais tu ne devais pas m’écouter, un peu comme quand maman te parle, et j’ai souri de toute mes dents.

Ma mère l’a regardé comme un chat qui vient d’attraper une souri, avant de se faire croquer tout cru il a répliqué :

Ou là, mais bien sûr que je vous écoute, d’ailleurs tu as raison, tu m’en as parlé pas plus tard…

Qu’hier…

Oui c’est ça ! Eh bien, s’il n’y a que ça pour te faire plaisir, tu peux m’accompagner.

Victoire par KO !

Chapitre 11 – La boite

Ce jour-là, lorsque je suis rentrée du collège, mes parents avaient l’air vraiment excité ! (STOOOOP ! J’en entends déjà qui se plaignent « Remboursé, c’est un scandale ! Elle nous fait du copié collé du premier chapitre, et elle n’a même pas pris la peine de changer le titre ! ». J’avoue, j’ai fait du copier-coller, mais attendez la suite avant d’appeler un avocat !)

Ce jour-là, donc, le mercredi suivant (voilà, vous voyez, c’est différent, vous pouvez raccrocher votre téléphone), mes parents avaient l’air tout excité.

Viens par ici Lola ! a dit ma mère en me voyant passer le pas de la porte.

J’ai eu l’impression que l’histoire était en train de radoter :

Maman ? Vous me faites un copier-coller de la semaine dernière ? Je vais appeler mon avocat temporel si ça recommence !

Mon père a haussé les sourcils :

Mais non, oubli GOGOL, on a quelqu’un à te présenter.

Je les ai suivis vers le salon, un peu inquiète, quelqu’un, mais qui ? Mais quoi ? Une psychologue ? ils voulaient me redresser le cerveau ! Une assistante sociale ? Ils voulaient me confier à une famille d’accueil ! Un précepteur ? Ils voulaient m’enfermer à la maison jusqu’au BAC !

Je te présente mademoiselle euh…

Sveta, a dit la demoiselle.

Je n’ai pas pu m’empêcher de sourire en la voyant. Il se dégageait d’elle une chaleur et une douceur que je croyais jusque-là réservées à ma mère.

Elle était jeune, elle avait de longs cheveux noirs comme une nuit sans soleil (je rappelle à nos lecteurs non-astrophysiciens, que c’est le soleil qui fait briller la Lune comme une ampoule) ; des iris vert foncé dans lesquels on pouvait se perdre, comme dans une épaisse forêt ; sa peau était si blanche, presque argentée, et ses dents parfaites, comme autant de diamants dans lesquelles le pourpre de ses lèvres semblait se refléter. J’étais envoûtée, était-ce une magicienne, était-ce une fée ?

C’est ta nouvelle nounou !

Mon père venait de briser le charme.

***

Ils m’ont expliqué que, par hasard, il avait vu une petite annonce à la boulangerie et qu’ils avaient pensé que, finalement, c’était une bonne idée non ?

Moi ce que j’en pensais, c’est qu’on ferait mieux d’arrêter de manger du pain, ça éviterait ce genre de « bonne » idée !

Je sentais mon sang bouillir dans mes veines, comme si j’étais rester trop longtemps dans l’espace sans combinaison (vous pouvez demander à vos amis astronautes, pour de plus ample précision !), mais avant que ma langue n’entre en éruption, Sveta a parlé :

Je suis sûre que l’on va bien s’entendre, Lola.

J’étais à nouveau sous le charme. Elle avait prononcé cette phrase avec un léger accent dont j’ignorais la provenance. Sa voix était si délicate et son sourire si lumineux. Je me suis entendu répondre :

J’en suis sûre moi aussi.

Mes parents m’ont regardé surpris.

Euh… dans ce cas, a dit mon père qui semblait ne pas avoir prévu ce cas, et bien tout est parfait, vous commencerez dès le week-end prochain.

***

Après ça, j’ai proposé de raccompagner Sveta (quel prénom délicieux).

Nous sommes entrées toutes les deux dans le vieil ascenseur. Les portes se sont refermées en grinçant et la cabine a débuté sa lente descente.

Brrr, on se croirait dans un cercueil pas vrai ?

J’en ai connu de plus confortable, m’a répondu Sveta avec un grand sourire.

Je la regardais longuement. C’est vrai qu’elle n’aurait pas dépareillée dans un cimetière, entourée de loup garou hurlants au clair de Lune.

L’ascenseur est arrivé au rez-de-chaussée, et les portes se sont ouvertes, interrompant ma rêverie. Sveta est sortie la première et s’est dirigée vers la porte d’entrée. Avant de poser sa main délicate sur la poignée, elle a marqué un arrêt, comme surprise par une sensation inattendu. J’ai vu ses narines palpiter légèrement, puis elle s’est tournée, et m’a souri à nouveau. Elle a alors entrouvert la porte ; les rayons du soleil couchant sont venus nimber ses cheveux de jais ; elle a cligné des yeux, j’ai cligné des yeux. En deux clignements d’œil à peine, elle avait mis des lunettes de soleil ! Elle a tourné la tête, j’ai vu mes reflets, tout entier contenus dans son regard de verre ; elle s’est penchée vers moi, j’ai eu l’impression de tomber dans deux puits sans fond.

Alors, à samedi, Lola.

Et elle a déposé sur ma joue un baiser frais comme la rosé.

J’ai légèrement secoué la tête, comme si je me réveillais d’un songe d’une nuit de printemps :

Euh… oui, à samedi, Sveta.

Elle s’est éloignée, avançant sur le trottoir comme une reine ; il m’a semblé que les passants s’écarter sur son passage.

***

J’ai pris les escaliers pour remonter. Ce n’est pas que, mais prendre l’ascenseur toute seule, ça me fout un peu les chocottes. L’engin n’a quand même pas loin de 2000 ans et les câbles doivent être rongés par les mites (ok, les mites ça préfèrent le bois, mais on ne sait jamais, des fois qu’il y en ai une qui veuille changer de régime).

Pendant que je gravissais les étages à la seule force de mes petits mollets, je repensais à tout ce qui m’était arrivé en quelques jours, et finalement, je trouvais que tout ça ne finissait pas trop mal non ? Plus de GOGOL pour me surveiller (je suis sûr qu’ils auraient plein de chose à se dire avec ADA) ; l’homme en noir sûrement bientôt arrêté par ma policière préférée ; le mystère de Jérémie et Lou résolu ; une super nouvelle nounou ! Bref, au moment de rentrer chez moi, je me suis dit que la vie était belle !

Mon père était dans la cuisine, en train de « jouer » avec son nouveau gadget : un super robot mixeur avec 4 ports USB, le WIFI, le Bluetooth … (je vous épargne le reste pour ne pas faire ma vendeuse de téléachat). Tout en traversant le couloir, je l’entendais s’exciter contre se « Suppositoire de l’enfer, ce n’est pas toi qui vas faire la loi ici ! ».

Apparemment, ma mère avait préféré battre en retraite dans le petit bureau, je l’entendais tapoter sur le clavier de l’ordinateur.

Arrivait au bout du couloir qui mène au salon, j’ai entendu le parquet craquer, comme s’il y avait des chips sous le tapis. C’était à peu près à l’endroit où le pied du policier avait disparu. J’ai soulevé le tapis et j’ai tâté à tâtons (je me suis permis car j’ai trouvé la phrase jolie). Une des lattes a bougé légèrement, juste au-dessus de celle que le mystérieux homme en noir avait délogée. J’ai appuyé sur un des bords, et le bord opposé s’est soulevé, assez pour que je puisse y glisser le doigts, mais pas assez pour que je ne me le coince pas !

Aie, c’est pas cette satanée latte de l’enfer qui va faire sa loi ici !

Ma mère m’a questionné depuis son antre :

Qu’est-ce qu’il y a Lola ? J’ai cru t’entendre jurer comme ton père ?

Non, non, tout va bien maman, je… je me suis juste cognée contre un meuble.

J’avais besoin d’un outil moins « sensible » que mes doigts pour venir à bout de « cette satanée latte de l’enfer ».

J’ai rebroussé chemin jusqu’à la cuisine.

Quand j’ai franchi la porte, j’ai eu l’impression de rentrer sur un champ de bataille. Il y avait des coquilles d’œuf sur la table, de la farine sur le sol, des bouts de beurre sur le mur ! Mon père se tenait fièrement devant son robot mixeur. Il avait une cuillère en bois dans une main, qu’il brandissait comme une épée, et un fouet (le truc pour battre les œufs) dans l’autre, qu’il brandissait comme un… fouet (le truc pour dompter les lions). Le robot mixeur vrombissait sur le plan de travail. Il s’est tourné vers moi avec le regard fier du gladiateur qui vient d’achever un fauve :

Ne craint rien Lola, l’homme sera toujours plus fort que la machine, j’en fais le serment. Et il a levé bien haut sa cuillère.

Je fronçais les sourcils.

Ça, je sais pas si c’est une bonne nouvelle ! Avant qu’il n’ait eu le temps de réagir j’ai enchaîné, est-ce que je peux te l’emprunter ?

Hein ? Quoi ?

La cuillère papa, maintenant que tu as vaincu, je peux te l’emprunter ?

Sans même s’étonner de mon besoin subit de cuillère en bois, il me l’a tendu et a déclaré avec emphase :

Prend mon sceptre, et fait en bon usage !

J’ai saisi le scept… euh, la cuillère et je me suis retournée pour sortir de la cuisine, lorsque soudain, une voix familière a retenti :

Et elle s’appelle « Revient », et ne l’appelle pas Robert, elle risquerait de mal le prendre !

Je me suis re-retournée, je commençais à avoir le tournis, j’ai regardé le robot mixeur les yeux gros comme des montgolfières :

C’est… lui … qui a parlé !

Mon père avait un grand sourire aux lèvres, et le stylo espion dans la main.

Un petit souvenir de GOGOL !

Ok, je crois qu’on était quitte maintenant.

***

Cette fois-ci, à l’aide de la cuillère, j’avais pu faire levier pour extraire la latte. Je la posais délicatement à côté.

Il y avait maintenant un trou béant, rectangulaire, de quelques centimètres de profondeur. A part de la poussière et une mite desséchée, il n’y avait rien de plus.

J’allais tout remettre en place, ni vu ni connu, quand j’ai aperçu une araignée sortir d’un des côtés du trou. Je me suis penchée, et j’ai vu un espace entre les deux bouts de bois qui constituaient les deux bords adjacent (voir dessin ci-dessous, si j’ai le temps de le faire, sinon je vous laisse imaginer).

J’ai glissé le manche de ma cuillère dans l’interstice et j’ai appuyé délicatement. Un des bouts de bois a basculé (c’est vraiment très utile une cuillère en bois, je vous conseille d’en avoir toujours une avec vous). Derrière, il y avait quelque chose ! J’ai glissé ma main ; mes doigts ont touché un objet ; je l’ai saisi entre mon pouce et mon index et j’ai tiré, et je me suis retrouvé avec dans la main… (oui ? quoi ? ça va durer encore longtemps !) une boîte ! (Ah d’accord, du coup c’est pour ça que le titre… ben ouai !)

***

Elle était en bois, rectangulaire, un peu plus grande qu’une boîte d’allumette, mais beaucoup plus petite qu’une boîte à chaussure (taille 22 ½). Je l’observais et j’avais l’impression un peu folle qu’elle m’observait aussi !

Elle était finement ouvragée. Constituée de plusieurs essences (c’est comme ça que l’on parle chez les arbres), allant du rouge foncé d’acajou, au noir d’ébène. Des sortes de ronces emmêlées de lierres décoraient les bords et sur le dessus, un symbole inconnu qui ressemblait vaguement à un œil était gravé. Je ne sais pas pourquoi, mais un frisson m’a parcouru l’échine, du sommet du crâne jusqu’à… la Chine ou pas loin.

Je la retournais dans tous les sens. Aucune trace de couvercle, ou de système d’ouverture ! Mon père a alors appelé depuis la cuisine :

Je crois que ça va bientôt être prêt !

Ma mère lui a répondu depuis le bureau :

Ok, j’ai bientôt fini !

J’ai remis rapido la latte, tapé un grand coup pour qu’elle reprenne sa position d’origine et replacé le tapis.

Lola, tu veux bien venir dresser la table, a demandé mon père depuis sa gargote (des fois, il se prend pour un chef cuisinier).

J’empochais rapidement la boîte :

J’arrive P’pa !

***

Après le repas, comme tous les soirs, ma mère est venue dans ma chambre pour la cérémonie du coucher. Ça consiste grosso modo à un débat d’idée sur un sujet libre (on est des intellos dans la famille !), suivi d’un échange de chaleur corporelle (un gros câlin quoi, y’a pas que le cerveau dans la vie !).

Ce soir-là, la seule chose qui me tarabustait les synapses, c’était la boîte, et comment elle était arrivée là. Mais je ne voulais pas en parler à mes parents, en tous cas pas avant d’avoir résolu le mystère, alors j’ai essayé d’orienter la conversation pour obtenir des informations, sans éveiller les soupçons.

Pour ça j’ai une technique (c’est le moment de sortir vos stylos et de prendre notes) : je pose tout un tas de questions sans rapports les unes avec les autres, et une fois que m’a mère s’est faite à l’idée que tout ça n’a aucun sens, et que si elle veut abréger, il vaut mieux qu’elle réponde, j’envoie la seule question qui m’intéresse :

Attends, encore un truc : est-ce que tu sais qui habitait ici avant nous ?

Lola, tu as vraiment besoin de savoir ça avant de dormir ?

Oui, sinon ça va tourner dans ma tête et… (Attention : argument massu) je risque de venir vous réveiller en plein milieu de la nuit !

Et là j’ai fait mon regard de chaton (deuxième technique déjà évoquée plus haut).

Soupir de ma génitrice :

De ce que je sais, c’était une vieille femme. Elle est morte avant qu’on emménage. Comme elle n’avait pas de famille, l’appartement a été mis en vente. C’était un peu avant ta naissance.

Et tu ne sais pas comment elle s’appelait par hasard ?

Mais Lola, qu’est-ce que ça peut faire ?

C’est juste que… (Attention : invention ) j’aimerais faire l’arbre généalogique de l’appartement, c’est ma prof d’histoire qui a lancé l’idée.

Ah ? C’est plutôt original. Mais je n’en sais vraiment rien. Et je suis sûre que nos voisins non plus si c’est ta prochaine question (oui c’était ma prochaine question, elle est trop forte ma mère), ils sont arrivés après nous.

Bon tant pis alors, bonne nuit m’man !

Elle a paru surprise que j’abandonne si vite, mais le soulagement l’a emporté sur la suspicion :

Euh, et bien, bonne nuit ma Lola, fait de beau rêve.

Aux âmes sensibles, j’épargne les câlins qui ont suivis.

***

Tout était silencieux dans la maison, tout sauf mon cœur que j’entendais battre plus fort que d’habitude.

Impossible de m’endormir, j’étais trop excitée par la découverte de la boîte. Je repensais à ce que m’avait dit ma mère à propos de la vielle femme, et j’étais sûre qu’une personne encore plus vielle (dans les 125 ans et 6 mois d’après mes estimations) pourrait m’en apprendre plus à son sujet. Cette boîte avait forcément un lien avec l’occupante qui nous avait précédée.

Je me grattais machinalement le sourcil gauche, trop de questions et pas assez de réponses m’empêchaient de sombrer dans les bras de Morphée. Alors je me suis levée, et je suis allée récupérer la boîte, cachée au milieu d’un troupeau de chaussettes qui sommeillait paisiblement dans mon armoire.

J’ai ouvert ma fenêtre qui donne sur la rue. En bas, tout était calme. En haut, quelques nuages naviguaient sur le ciel étoilé, poussés par la légère brise tiède que je sentais sur mon visage. Une pâle lueur éclairait le rebord de la fenêtre, celle de la lune estompée par une nonchalante masse cotonneuse.

Je regardais la boîte dans ma main, distinguant à peine ses étranges motifs, quand soudain, la lumière est devenue plus éclatante. Je levais la tête, la lune avait retiré son masque et brillait de toute sa rotondité.

J’ai alors ressenti une légère vibration dans la main, suivie d’un clic à peine perceptible, j’ai lentement baissé les yeux et… ma température corporelle a subitement baissé de 36 degrés.

L’œil de la boîte s’était ouvert, et il me regardait !

***

Note de l’éditeur :
Chers lecteurs, vous venez de lire le dernier chapitre des « Chroniques de Lola », un journal trouvé dans un placard dans des circonstances qui seraient trop longues à expliquer ici. La note reproduite ci-dessus a été découverte peu après dans le même placard. Comment elle est apparue est également une autre histoire (n’insistez pas !). Sachez seulement qu’elle était à moitié déchirée et partiellement brûlée, rien de bien inquiétant donc. Soyez assurer que nous mettons tout en œuvre pour trouver dans les meilleurs délais, le prochain volume de ce journal ( surveillance 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 du fameux placard entre autre chose). Bien à vous.

Berlu Edition

Chapitre 10 – Lundi matin

J’ai dormi d’un sommeil sans rêve, et sans cauchemars. Le samedi matin, à mon réveil, tout le reste du monde était partis. (Oui, je sais, le titre c’est : « Lundi matin », mais un peu de patiente, dans deux jours on y arrive !)

Je suis allée à la cuisine rejoindre mes parents qui prenaient leur petit déjeuner. Ils m’ont accueillie avec un sourire bienveillant, surmonté d’une moustache de chocolat au lait pour mon père.

Ma mère s’est discrètement enquise de mon état psychologique :

Tu as bien dormi ? Tu es sûr que ça va ?

J’ai hoché la tête, deux fois. Mon père a pris mon poignet et a tâté mon poult :

Battement normal, pression sanguine optimale, je te déclare bonne pour le service.

J’ai fait un salut militaire.

Merci mon capitaine, mais… cette moustache est-elle bien réglementaire ?

Ma mère a souri de nouveau, pendant qu’il se « rasait » avec sa serviette.

Tu sais, a commencé mon père, alors qu’il se débarbouillait, je vais débrancher GOGOL et on va changer les serrures. C’est plus prudent pas vrai ?

Ma mère et moi, on a acquiescé, et puis j’ai commencé à boire mon bol de chocolat.

Mais, a poursuivi mon père, j’aimerais quand même bien savoir comment tu t’es retrouvée enfermer dehors ?

J’ai baissé les yeux, j’ai senti mes joues s’enflammer, qui avait mis du piment dans mon bol ?

***

Le lundi matin, (voilà on y est, ce n’était pas la peine d’en faire tout une histoire !), je suis allée au collège avec Mathilde. Pour une fois on est parti ensemble, après toutes nos aventures du vendredi soir, ça rassurait tout le monde.

Alors, t’as tout raconté à tes parents ?

Ouai, je me suis confessée, et j’ai imploré leurs pardons, à genoux.

Pas possible ?

Mais non ! Mais j’ai quand même tout dit, et j’ai fait la démo avec le stylo. Mon père était vraiment impressionné, et moi je me suis sentie mieux… comme en paix avec moi-même, avec le monde, avec l’univers, et avec le reste.

Et ben, et pas de punition à l’horizon ?

Non, ma mère a considéré qu’une nounou 2.0, c’était pas vraiment un très bon choix, et qu’elle comprenait mon désir de liberté, mais elle a quand même fait remarquer qu’enregistrer mon père a son insu, c’était pas très sympa.

Mathilde a ironisé :

A ouai, des mots très durs, et tu arrives à t’en remettre ?

Je l’ai gratifié de mon regard de duchesse :

Eh bien, très chère, sachez que cela m’a fait réfléchir, sur nos actes inconséquents et sur leurs conséquences.

Que tout ceci est bien dit. m’a répondu Mathilde dans une révérence.

Bref, mes parents se sont montrés plutôt cool. Je pense qu’ils ont eu peur rétro… septivement… euh non, rétro… pepsivement… et mince… ils ont rétro-eu peur rien qu’à l’idée que j’aurais pu me retrouver nez à nez avec le voleur si j’étais restée bien sagement à la maison.

Ben, je crois que les miens ont rétro-balisé aussi, en tous cas moi j’ai carrément retro-flippé !

J’ai alors levé mon index et ajouté solennellement :

Désormais nous aurons un comportement exemplaire, et que notre sagesse nous guide sur le chemin de l’allégresse.

Et ça veut dire quoi au juste ?

Rien, c’était juste pour la rime !

On a continué notre chemin, et c’est seulement arrivé au portail de du lycée, que Mathilde a remarqué : que j’étais bossu !

***

Lola ? T’as quoi dans ton sac à dos ? Un parachute ?

C’est Sarah qui m’a posé la question quand on a débarqué dans la cour, mais c’est Mathilde qui a répondu :

Ça ? C’est l’innocente victime de notre folle soirée de Vendredi !

Hein, quoi ? est intervenu Amélie, qui était fort opportunément dans les parages, une victime… une soirée de folie… mais il faut tout nous raconter… tout de suite !

Je voyais bien qu’elles brûlaient d’impatience d’entendre la suite, et que Mathilde avait la langue qui brûlait de leur raconter ! Ça tombait bien, mon gros sac à dos et moi, on avait une affaire à régler, alors j’ai laissé Mathilde enflammer son auditoire et je me suis éclipsée comme un croissant de lune.

***

Au deuxième coup, une voix que je ne connaissais pas m’a répondu :

C’est ouvert !

Je suis entré dans la salle du club d’informatique. Il n’y avait qu’une seule personne assise devant un écran, et à sa corpulence, ce n’était pas Jérémie, encore moins Lou. De dos, j’aurais plutôt parié pour un joueur de Rugby, voir tout une équipe. Il s’est retourné. J’avais gagné mon pari ! De face, c’était bien une équipe (enfin presque) de joueur de Rugby ! Il m’a regardé, amusé.

Je sais, j’ai trop la tête d’un informaticien, ça doit venir des lunettes.

Effectivement, il avait de petites lunettes rondes, qui semblaient perdues sur sa grosse tête carrée ?

Je m’appelle Alex, et il s’est levé.

Le fauteuil a semblé soupirer de soulagement. Mais le plafond a dû avoir la peur de sa vie, j’ai cru qu’il allait le défoncer avec son crâne, heureusement il restait un peu de marge. Sans se départir de son sourire, il a continué :

Et toi, tu dois être Lola ! Tu peux faire oui avec la tête si tu as des difficultés pour parler !

Il se moquait gentiment de moi non ?

Euh… mais comment tu…

Je sais tout !

Il a ouvert ses bras, comme s’il allait repousser les murs (je suis sûr qu’il aurait pu s’il avait voulu), et il s’est mis à rire.

Bon ok, on se détend, c’est Jérémie et Lou qui m’ont parlé de toi.

Je le regardais intriguée, jamais je n’avais rencontré une personne aussi costaude, avec des petites lunettes d’intello en prime, enfin je sais bien qu’il ne faut pas avoir d’apriori, mais là, je trouvé cet Alex… paradoxale (Bim scrabble !).

Je… je suis venue apporter un truc à Jérémie, je… je vais le poser là, je montrais le bric à brac sur la table au milieu de la pièce, et puis je… je vais aller en cours.

Ok, fait… fait comme… comme ça !

Il se moquait encore gentiment de moi non ?

j’ai posé mon gros sac à dos par terre, et j’en ai sorti l’innocente victime de notre folle soirée.

***

Hé ! Mais on dirait bien que c’est le fameux GOGOL ! a dit Alex dont les yeux refléter l’intérêt et la malice.

C’est bien lui, finalement j’ai réussi à m’en débarrasser, mais pas vraiment de la manière que j’avais imaginé.

J’ai hâte de savoir toute l’histoire !

Eh bien, j’ai pas trop le temps, mais je repasserai lorsque Jérémie sera là pour tout lui raconter.

Je faisais déjà demi-tour quand une question m’a traversé l’esprit. J’essayais de l’ignorer, mais je sentais que c’était le genre à vous faire le « space montain » dans la tête toute la journée, alors je me suis lancée :

Au fait, toi qui as l’air de bien connaître Jérémie, est-ce que Lou est toujours collée à lui comme un chewing-gum a ses baskets ?

Sous-entendu, est-ce que Lou est sa petite amie ?

J’ai rougi comme si on avait subitement tourné une lampe à bronzer vers mon visage. Il s’est mis à rire, d’un rire éclatant, j’étais tellement surprise que j’ai failli rire moi aussi. Puis il m’a fait un très beau clin d’œil (pas comme les miens) :

Ils sont très très proche, si tu vois ce que je veux dire ?

Euh, proche comment ?

Question stupide, il venait de dire « très très », c’était évident non ?

Eh bien, je dirais, très proche dans l’espace et très proche dans le temps ! En fait, si proche, qu’ils habitent ensemble !

Quoi ! A onze ans, ils habitent déjà ensemble ?

Alex semblait se délecter :

A onze ans, et depuis onze ans !

Hein ?

Ben oui, Lou est la sœur de Jérémie, sa sœur ainée, de six minutes, sa sœur Jumelle en fait !

J’ai failli m’étrangler.

***

Tu veux un verre d’eau ? a proposé Alex un peu gêné de la réaction qu’il avait provoqué.

Non, merci ça va aller…

Ou que je te tape dans le dos ?

Là, il m’avait tendu la perche :

Non, ça risque d’aller encore plus mal !

Il a souri à ma remarque ironique. Même s’il s’était un peu moqué de moi, je le trouvai plutôt sympa. J’ai repris :

Ils sont vraiment jumeaux alors ? Pourtant ils ne se ressemblent pas ?

Vraiment, vraiment ! Il a réajusté ces lunettes, mais ce sont de faux jumeaux, d’où leurs différences.

Chacun son ovule, chacun son spermatozoïde !

Euh… oui… c’est ça !

Cette fois, c‘est moi qui l’avait gêné je crois, un partout ! Et la sonnerie a retenti. J’ai ramassé mon sac à dos, et je me suis dirigé vers la porte.

Heureux de te connaitre et à la prochaine, tu peux revenir quand tu veux !

Il avait l’air sincère, et enthousiaste à l’idée de me revoir.

Ok, finalement je crois que moi aussi, heureuse de te connaître !

Je suis partie en le laissant avec un sourire étonné sur le visage.