La porte s’est finalement ouverte et, tout en sourire contenu et joie de vivre profondément enterrée, est apparue :
– Oh, salut Lou, comment ça va la vie ?
Elle s’est contentée de nous dévisager avec son regard rayon X et a fini par crier d’une voix XXL :
– Jérém’, Lola est là !
– Et Mathilde est ici ! a complété Mathilde.
– Et vive la poésie ! ai-je rajouté.
A la tête qu’a fait Lou, je crois que cette fois-ci (bon, certaines autres fois aussi) on aurait mieux fait de se taire.
Elle s’est retournée, de dos, elle paraissait plus heureuse de nous voir que de face, et elle est partie en direction du fond du couloir de l’entrée. Faute d’invitation à rester sur le palier, nous l’avons suivie.
J’avoue, j’adore découvrir où habitent les gens. A chaque fois c’est un peu comme si j’explorais de nouveaux territoires et que je rencontrais de nouvelles peuplades. Je suivais notre guide en terre inconnue, curieuse de tout ce que je voyais, et regrettant de n’avoir pas d’appareil photo. Nous avons franchi le point d’eau de la cuisine, puis avons laissé derrière nous la vaste plaine du salon sans rencontrer âme qui vive, puis nous avons bifurqué sur un sentier montant en lacets vers les sommets. Enfin bref, on s’est retrouvée au premier étage.
Encore un couloir. Sur la droite, une porte ornée du yin et sur la gauche, une autre ornée du yang.
– Tu paries sur laquelle pour celle de Jérémie ? m’a glissé Mathilde dans l’oreille.
– En toute logique, le Yang, je crois que c’est le symbole du masculin.
– Woua ! Quelle immense culture, et d’où tu sais ça ?
J’allais répondre que mon « immense culture » venait de la porte des toilettes d’un restaurant chinois, lorsque Lou s’est retournée.
– Bon vous discutez idéogrammes ou on avance ?
J’ai montré la porte Yang :
– Ben ? On n’est pas arrivée là ?
– Non, ni là, ni ici, a répondu Lou avec un sourire malin accroché au-dessus du menton, c’est tout au fond !
Et tout au fond, il y avait comme dans toutes les habitations de l’univers connu :
– Ça serait pas les toilettes ? a demandé Mathilde.
– Si vous avez une envie pressante, c’est le moment ! a ironisé Lou, et elle a ouvert la porte, et elle est montée sur la cuvette !
On aurait dit un tableau de Magritte ou de Salvador Dali, surréaliste si vous préférez (là, j’ai frappé un grand coup niveau culture) : Lou, perchée sur sa cuvette, et probablement aussi un peu dans sa tête, la main accrochée à ce qui semblait être une chasse d’eau pendue au plafond.
Les yeux de Mathilde se sont ouverts comme des popcorns :
– Non mais, qu’est-ce qu’elle est en train de faire ? Elle nous rejoue une scène de Harry Potter ? (Ok y’a que les fans d’Harry Potter comme Mathilde qui peuvent comprendre, j’y peux rien si c’est ma meilleure amie !)
J’étais trop choquée pour répondre.
– On se pousse, a ordonné Lou, et elle a tiré la chasse !
Et contre toute attente, elle n’a pas disparu, comme une vulgaire « vous savez quoi », dans la cuvette.
Mais un escalier escamotable s’est déplié depuis le plafond, pivotant jusqu’au sol et manquant de nous écraser les pieds.
– C’est là-haut qu’ça s’passe les filles, vous avez pas l’vertige j’espère ? Elle était hilare.
Là-haut, au-delà de la dernière marche de cet escalier surprise, il y avait une ouverture dans le plafond, et à travers cette ouverture, j’ai entendu la voix de Jérémie. Alors, portées par cette promesse d’une rencontre amicale, nous avons entamé notre ascension, pour déboucher sous les combles de la maison… dans une annexe du club d’informatique !
Mise à part le calendrier Geek et le shampoing anti-poux, il ne manquait rien : écrans, ordinateurs, bric-à-brac électronique, Alex, Jérémie, tout était là.
– Et voilà, on est tous là ! s’est exclamée Lou.
Ah oui tiens, j’avais oublié Lou, elle était toujours là elle aussi.
***
Nous étions sous le toit en pente, assis en tailleur et en cercle autour d’un tapis sur lequel était dessiné un smiley souriant.
– Mon portrait tout craché, s’est amusé Lou.
Je la regardais étonnée, si elle était capable de se moquer d’elle-même, tout n’était pas perdu finalement.
Il y avait à ma gauche Jérémie, Lou évidemment, Alex, et Mathilde qui regardait l’épaule d’Alex à la recherche d’un nez d’une bouche et d’yeux, qui étaient en fait 20 centimètres plus haut (à ma droite, si vous tenez vraiment à le savoir, les mêmes personnes en partant de la fin).
Je sentais que tout ce petit monde attendait que j’explique la raison de notre présence, alors j’ai sorti la boîte et je l’ai posée au centre du tapis. Jérémie, Lou et Alex se sont penchés pour l’observer. J’en profitais pour essayer de trouver le meilleur moyen de raconter ce que nous savions, mais sans passer pour des maboules.
– C’est la boîte que l’homme en noir cherchait, a commenté Mathilde, me prenant de vitesse.
Alex a levé la tête, ma bouche s’est ouverte.
– … Au-dessus, c’est un œil, qui s’ouvre les soirs de pleine Lune.
Jérémie s’est redressé pour la regarder, intrigué, je l’ai regardé, affolée.
– …. et on aimerait bien savoir ce qu’elle contient, avant que la nounou vampire de Lola cherche à la récupérer.
Et j’ai vu les yeux de Lou pétillaient en même temps que sa bouche découvrait un sourire carnassier (bon j’exagère, c’était peut-être seulement un sourire herbivore). Machinalement, j’ai croisé mes doigts sur la tête, j’ai fermé la bouche et j’ai plongé au fond d’une piscine vide. Bong !
***
Cette fois-ci, tous les regards se sont tournés vers moi. J’ai senti mes joues s’embraser et, même si j’aurais préféré prendre mes jambes à mon cou, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai dit :
– Hum, et bien disons que Mathilde, a bien résumé les choses.
Jérémie a rosi, ça m’a tellement surpris qu’une partie de mes craintes s’est envolée, il semblait partager ma gêne en plus de ma couleur de jou.
– Bien, a dit Alex en faisant une drôle de grimace, on va prendre les choses dans l’ordre. D’abord la boîte, ensuite on verra pour cette histoire de… vampire ?
– Oui ! Oui ! c’est ça, on verra, à pouffer Lou.
Il a saisi la boîte, qui dans sa main paraissait soudain avoir rétréci.
– Aucun système d’ouverture apparent, puis il a bizarrement porté son autre main à sa joue avant de marmonner : qu’est-ce que tu en pense Jérém’ ?
Mais c’est Lou qui a répondu la première.
– S’il n’y a pas de système d’ouverture, c’est que peut-être on ne peut pas l’ouvrir, et si on ne peut pas l’ouvrir, c’est que peut-être il n’y a rien à l’intérieur, elle m’a alors regardée, pas de système mystérieux, ni d’œil escamotable, et elle m’a fait un clin d’œil.
– Objection, a dit Mathilde, avant que je ne plaide ma cause, tu insinues que Lola a eu une hallucination, sans preuve ? Moi, je n’ai jamais eu aucun doute sur ce qu’elle a vu, si elle dit que l’œil s’est ouvert alors je n’ai aucune raison de ne pas la croire.
Bon, Mathilde avait un peu réécrit l’histoire, mais sa confiance me re-donnait confiance.
– D’ailleurs, a-t-elle ajouté, si elle m’avait dit que la boîte s’était mise à parler, je l’aurais crue aussi.
J’ai soupiré, mon avocate venait de faire voler ma défense en éclat. Heureusement, Jérémie est sorti de sa réserve pour venir à mon secours :
– Ok, supposons que Lola ait raison, Lou a haussé les épaules, si on arrive à reproduire les mêmes conditions, on devrait aboutir au même résultat.
Alex, que j’avais connu plus loquace, a enchainé :
– Bonne idée, y’a plus qu’à invoquer la Lune.
Lou a levé les yeux au plafond, Alex s’est déplié autant que la hauteur des combles le lui permettait, suivi de Jérémie. Puis Lou les a rejoints en position verticale, tout en poussant un soupir désabusé.
– Quoi ? m’a soufflé Mathilde, ils vont faire une danse chamanique autour du tapis ?
Jérémie s’est approché d’une table sous un des pans du toit.
– J’ai le nanoprojecteur !
– Le nano quoi ? a murmuré Mathilde.
– Ok ! a répondu Alex qui était allé s’assoir devant un ordinateur, j’ai lancé l’appli.
Lou a extrait un câble d’une caisse remplie de bric-à-brac, a branché un bout sur l’ordinateur et l’autre sur le « nanoprojecteur »
– Tu sais ce qu’ils fabriquent ?
– Euh, pas vraiment, mais je pense pas que ce soit du chamanisme ça !
– C’est bon, a dit Jérémie, tu peux envoyer la lune.
Lou a rabattu le volet, j’ai entendu un clic du côté d’Alex, et le plafond a disparu pour faire place… à la voûte céleste.
Wouah ! Finalement, c’était vraiment un club de sorciers.
***
J’adore aller au planétarium, c’est le seul endroit où on peut dormir à la belle étoile, tout en étant confortablement installé dans des sièges moelleux (mon père me dirait que ça fait chère la sieste, mais on est jamais aussi près des étoiles que lorsqu’on dort, non ?), et là, c’était encore mieux qu’au planétarium.
Jérémie est venu se rasseoir à côté de moi, sous le ciel scintillant. Je remarquais que ces yeux scintillaient aussi, était-ce les étoiles ou était-ce moi qui les faisait briller ? Euh, j’y réfléchirais plus tard. Donc, l’obscurité invitant au silence, il a expliqué à voix basse :
Le nanoprojecteur, c’est en fait un vidéoprojecteur comme ceux qu’on a au collège, mais miniature.
– Ah… a murmuré Mathilde, c’est un vidéoprojecteur pour nain en somme.
Depuis son siège, j’ai vu Alex sourire puis grimacer. Jérémie a continué :
– Alex a lancé une application de simulation de voute céleste, on peut choisir le lieu, la date et l’heure du ciel qu’on veut observer et…
– Et voilà, tout le monde a compris, on peut avancer au jour de la pleine Lune, a conclu Lou qui commençait à s’impatienter (en fait je crois qu’elle a dû commencer à s’impatienter le jour de sa naissance, ou même de sa conception).
Le ciel s’est animé sous nos yeux, et des poussières d’étoiles se sont mises en mouvement comme agitées par un invisible balai cosmique (oui, le balai avec lequel on balaye, pas celui où l’on danse, sauf pour les grands solitaires). Et puis la Lune a fait son entré, nimbant nos visages d’enfants du blanc velours de sa lumière. Pendant un instant, le temps a paru se suspendre à son croissant et, comme si le soleil mordait à pleines dents la nuit, la Lune a grossi jusqu’à devenir ronde (J’ai envie de pleurer, pas vous ?).
Alex est venu reformer le cercle. Nos regards étaient tout entier portés vers le ciel, du coin de l’œil, je crois que j’ai vu Lou sourire.
Soudain, une étoile filante a balafré le ciel de part en part, j’ai senti le duvet de mon bras se dresser comme électrisé par la magie de ce moment et… un cri de chien de prairie a retenti dans l’obscurité.
Mathilde s’est tournée vers moi un peu inquiète :
– Lola, c’était quoi ce cri ? ça va ?
J’aurais pu lui répondre que « le chien de prairie est un adorable mammifère d’Amérique du Nord, qui en cas de danger, ou pour trouver une âme sœur pousse un petit cri délicat », et que je venais de l’imiter à la perfection mais, n’ayant pas d’encyclopédie sous la main je me suis contentée d’un :
– Euh, j’ai reçu comme une décharge là.
Tout en me frottant le bras, je me suis rendu compte que Jérémie faisait de même. Lou nous a regardé en soupirant :
– Mais oui ça va, c’est l’électricité statique, vous vous êtes un peu trop frotté l’un à l’autre, et surtout n’allez pas croire que c’est un coup d’foudre !
En moins d’une demi-seconde, et même si c’est la lune qui luisait au-dessus de nous, je crois que j’ai attrapé un coup de soleil, et que Jérémie aussi.
***
– Bien ! a dit fort opportunément Alex, et si on s’occupait de la boîte mystérieuse.
On s’est de nouveau penché sur la boîte. La lune était maintenant à l’aplomb du tapis, je sentais Mathilde fébrile sur ma gauche, je voyais Lou jubiler en face de moi et intérieurement, je suppliais l’œil de s’ouvrir avant qu’elle n’ouvre la bouche.
Et au bout de deux secondes qui me parurent deux éternités, Lou s’est subitement levée… et sa bouche s’est ouverte :
– Bon, j’ai l’impression que cette boîte a l’œil aussi vif que celui d’un poisson pané, ça serait pas l’heure de bouger de là ?
J’ai cru voir un poisson mort, enterré sous une épaisse couche de miette de pain, me faire un clin d’œil vitreux. Je suis restée muette comme si ma langue aussi était panée. Mais, un peu comme à chaque fois, Jérémie (mon beau sauveur ?) est venu tempérer les propos de sa sœur :
– Peut-être que la boîte à d’autres capteurs ?
– C’est possible, a enchaîné Alex, Lola, essaye de te rappeler précisément ce que tu as fait hier soir, puis il a fini sa phrase comme si sa mâchoire s’était coincée, avant que l’œil ne s’ouvre.
J’ai commencé à me gratter le sourcil gauche (je me demande s’il ne cacherait pas un bouton de mise en route de mon cerveau) et machinalement j’ai saisi la boîte avec mes deux mains, et un petit cri de chien de prairie a retenti sous le ciel étoilé, et Lou a repris lentement, et un peu gênée, sa place dans notre cercle, sous le regard scrutateur de la boîte.
***
Plus personne n’osait bouger. L’œil pivotait par petits mouvements saccadés à droite, puis à gauche. Il s’arrêtait quelques secondes, semblait dévisager la personne qui lui faisait face, et passait à la suivante dans un étrange ballet euh… carcéral ?
– J’ai l’impression d’être observée à travers l’œilleton d’une porte de prison, a murmuré Mathilde. (Voilà, c’est exactement ce que je voulais dire par « ballet carcéral », merci).
J’étais toujours les mains rivées à la boîte, que je tenais maintenant à bout de bras, comme si c’était un bébé dont la couche était pleine.
– Je crois que je vais la reposer maintenant.
– Oui, a dit Alex, repose la… doucement.
Je l’ai déposée délicatement sur le tapis, j’ai desserré délicatement mon emprise, et je suis retournée précipitamment me coller à Mathilde et Jérémie.
Alors, la boîte a fait entendre un bruit métallique et l’œil s’est refermé.
– Wouah !!
Cette fois-ci, Lou n’avait pas imité un chien de prairie, mais un chien tout court, d’ailleurs, elle en avait les yeux humides (à défaut d’en avoir la langue pendante !).
– Eh Bien, a dit Mathilde avec un léger vibrato dans la voix, voilà qui innocente ma cliente de tous les chefs d’accusation non ?
Jérémie a bafouillé :
– Tu… tu peux tout nous raconter maintenant ?
Je me sentais soudain plus légère, j’ai levé la main gauche et j’ai dit d’un ton solennel :
– Je jure sur la boîte, de dire toute la vérité, rien que la vérité !
– Amen ! a conclu Mathilde en levant les bras au plafond.
Lou s’est tapée le front, tout en souriant,
Alors, assise près du tapis, sous les regards bienveillants de désormais toutes les personnes de notre assemblé, je me suis mise à raconter les événements qui avaient précédés.
Alex était captivé, Mathilde était par instant haletante, plusieurs fois j’ai aperçu les yeux de Lou pétiller dans le clair-obscur et j’ai senti le bras de Jérémie frémir contre le mien. J’aurais voulu que cette nuit ne prenne jamais fin, même si en réalité, elle n’avait même pas encore commencé.
La lune avait déjà parcouru la moitié de l’espace lorsque je finissais mon récit. Alors, Alex s’est à demi levé, pour ne pas se fracturer à moitié le crâne sur le ciel, s’est installé devant l’ordinateur, et comme à la fin d’un film on rallume la lumière, il a éteint la nuit et ouvert le volet. A contrecœur nous avons accueilli les rayons du soleil qui se déversaient depuis la fenêtre de toit.
– Bon, a dit Lou sur un air de défi, alors, c’est quoi le plan ?
***
– Notre plan, a dit Mathilde, même si c’était un peu (voir carrément) le sien, c’est de se servir de la boîte comme d’un appât.
– Quoi ? l’a questionné Alex, tu veux aller à la pêche aux vampires ?
Mathilde exultait :
– Oui ! Et c’est la nounou de Lola qu’on va attraper dans notre filet.
– Euh, c’est Sveta son nom, parce que « nounou » ça fait un peu… puéril non ? Et puis, pour l’instant c’est juste une intuition, si ça se trouve …
– Mais non, tout concorde, m’a interrompue Mathilde, qui décidément se montrait maintenant encore plus convaincue que moi, et ne me dites pas que tout ça, c’est juste le hasard ? (Appel aux crabes qui lisent mes chroniques, pincez-moi je rêve !)
Arrivé à ce moment de l’histoires, vous devez sans doute vous demander comment cinq pré-ados pas trop idiots (c’est une moyenne) peuvent croire à de telles fadaises. Eh bien sachez, très cher, que ces « fadaises » comme vous dites, constituent le sel de la vie, le sucre de l’existence, le nigari de notre jeunesse (le nigari, c’est un sel Japonais, au moins y en a pour tous les goûts), et que nos yeux, plus tout à fait d’enfant, mais pas encore d’adolescent, savent encore voir le merveilleux, là où l’adulte ne verra qu’élucubrations boutonneuses ! (Ouai, quelques fois mon stylo plume à tendance à voler de ses propres ailes).
Tout ça pour dire, que même Lou avait l’air enthousiaste à l’idée de partir à la chasse aux vampires et que, par un effet de balancier un peu mystérieux, c’était moi qui commençait à avoir des doutes. Mais apparemment, il était trop tard, j’avais montré la boîte de Pandore (cherchez dans vos placards, je suis sûre que vous avez au moins un bouquin rempli de mythes), et tout le monde voulait maintenant savoir ce qu’elle contenait.
Jérémie a réfléchi à voix haute :
– Le truc, ça serait de pouvoir l’ouvrir sans abîmer le mécanisme qu’elle contient.
– Ouai, faudrait la supervision de super slip rouge, a dit Mathilde.
Lou l’a regardé, puis elle s’est tournée vers son Yang (égal son Rodolphe, égal son frère) :
– Tu penses à ce que je pense ?
Mince elle nous faisait un numéro de transmission de pensée ou quoi ? Puis les deux, dans un parfait mouvement synchronisé, se sont tournés vers Alex.
– Tu dois pas retourner chez le dentiste par hasard Alex ? a demandé Lou en toute innocence.
***
Une petite lumière s’est allumée dans le fond de mon cerveau, juste à l’endroit où je stocke les souvenirs inutiles pour plus tard, au cas où. Je re-voyais toutes les drôles de mimiques que j’avais surprises sur le visage d’Alex et le diagnostic me sautait à présent aux yeux : il avait un abcès dentaire !
– Oui, a dit Alex, j’ai un abcès dentaire (qu’est-ce que j’avais dit ? Ok vous m’avez démasquée, j’ai lu cette phrase avant d’écrire la précédente) et je dois retourner me le faire soigner, mais pas question que j’aille chez ce fou furieux !
Le fou furieux en question, c’était « Doktor Zahnbrecher » (ne le cherchez pas sur Doctolib, j’ai changé son prénom). Alex nous a expliqué :
– Il aurait dû prendre sa retraite il y a au moins 50 ans, en plus il voit mal, il a la tremblote et il travaille sans assistant, pas question que j’aille me refaire torturer les gencives chez cet énergumène.
Lou m’a fait un clin d’œil :
– C’est pour ça qu’il est parfait, et il a beau être vieux, son matériel est de la dernière génération.
– Je comprends pas trop, a demandé Mathilde, m’évitant ainsi de passer pour la fille qui ne comprend rien.
Jérémie a détaillé :
– Le plan, c’est d’utiliser l’appareil de radiographie dentaire de « Doktor Zahnbrecher » pour avoir la vision de « super slip rouge », et d’utiliser les gencives d’Alex pour faire diversion.
– C’est non ! a crié Alex, et il s’est levé un peu trop rapidement de son siège, avant de se rassoir encore plus vite, avec une bosse sur la tête !
– T’inquiète pas, m’a dit Jérémie, pendant qu’Alex comptait les étoiles du planétarium qui venait de s’allumer sous son crâne, il a la tête dure…
– …mais le cœur tout mou, a complété Lou, on peut compter sur lui.
Finalement, Mathilde avait raison, à la fin de cet après-midi-là, on avait une équipe, et on avait un plan.