Une vieille femme vivant seule, avait à peine de quoi subvenir à ses besoins.
Elle entretenait un petit potager, dont la maigre récolte journalière lui permettait de faire une soupe, et de gagner quelques sous au marché de son quartier.
Un jour, en ayant assez de tirer la banane par les deux bouts, elle récita, sans trop y croire, une formule magique, qu’elle avait trouvée sur un paquet de graine de courgette.
« Courgette et potimarron, que mon potager soit le plus mignon.
Tomates et petits oignons, que mon jardin soit le plus fécond. »
Evidemment, il ne se passa rien, et le seul effet vaguement magique, fut celui de se sentir elle-même un peu courge après avoir lue la formule, qui n’était que le slogan publicitaire du sachet de graine.
Évidemment ? Pas si sûr, car le lendemain soir, après qu’elle eut fini sa soupe, une étrange personne vint frapper à sa porte.
Cette dame, car c’est d’une femme qu’il s’agissait, lui dit :
« Chère madame,
vous m’avez invoqué, alors me voici,
vous avez des soucis, alors prenez ceci
cette graine magique, d’une goutte arrosée
fera de votre vie, un jardin enchanté
tous les jours de légumes, variés et colorée
elle remplira la terre de votre potager
mais jamais une goutte, de plus ne déversé
sous peine de tout perdre, et des larmes versées. »
Puis, visiblement contente de ses rimes, la dame s’évapora laissant sur le palier une graine minuscule semblable à un grain de riz.
La vieille femme, qui n’en croyait pas ses yeux, se demanda si elle n’avait pas abusé de sa soupe. Mais la graine était bien là. Elle l’a pris donc et, curieuse, alla la planter dans un pot, qu’elle arrosa d’une seule goutte d’eau, et qu’elle posa sur la fenêtre de sa cuisine.
Le lendemain, plus vraiment sûre des événements de la veille, elle entra dans la cuisine, prépara son café du matin, et alla s’installer près de la fenêtre pour le boire.
De surprise, elle faillit en renverser sa tasse, en constatant que le pot, vide la veille, avait maintenant du mal à contenir les 2 belles tomates, la courgette, l’aubergine et la pomme de terre qui avaient poussé.
Voilà assurément de quoi faire une soupe songea t’elle, et tout ça avec une seule goutte !
Sans plus se rappeler vraiment ce qu’avait dit l’étrange visiteuse du soir, elle pensa :
« si une goutte me donne 5 légumes, 2 gouttes devraient me donner…, elle compta sur ses doigts …10 légumes, et 4 gouttes …, elle compta sur ses orteils, 20 légumes et 8 gouttes, oh là là ! »
Un vertige la saisie, des chiffres astronomiques dansaient autour de sa tête. Reprenant ses esprits, elle récupéra délicatement la graine, et alla la planter dans son jardin. Puis, elle y versa 1 goutte d’eau. Comme prévu 5 légumes y poussèrent peu après.
Ravi, elle versa une nouvelle goutte sur la graine, et 5 nouveaux légumes ne tardèrent pas à sortir.
Engaillardie par tant de réussite, elle continua de verser le contenu de son arrosoir sur la petite parcelle de terrain ; et bientôt tous son jardin fut rempli de légumes frais et bigarrés.
Elle alla alors chercher sa brouette, pour transporter son opulente récolte.
En revenant, elle s’aperçut que de nouveau légumes poussaient encore. Elle attendit quelques instants avant de commencer sa cueillette, se disant que tôt ou tard ils allaient s’arrêter de pousser, mais rien de semblait vouloir endiguer la prodigieuse fécondité de la graine, et son jardin ne suffit bientôt plus à contenir le flot de légumes, qui commençait à envahir même sa maison, rentrant par les fenêtres, poussant les meubles, sortant par la porte.
La vieille femme, affolée, ne savait plus comment faire, et assista impuissante à l’ensevelissement de sa modeste demeure, sous des centaines de légumes qui maintenant commençaient même à envahir le chemin.
Elle se réfugia sur sa brouette qui, emportée par les vagues de légumes, alla s’échouer sur un arbre, d’où elle entendit sa maison s’effondrer dans un fracas de pomme de terre et d’aubergines écrabouillées !
La nuit commençait à tomber, et elle était en pleure quand l’étrange dame réapparue sous ses yeux, dans l’arbre, et lui dit :
« Pas plus d’une goutte, t’avais je dit
te voilà bien punis,
mais sèche donc tes larmes
je vais rompre le charme
et de toute ma bonté
te rendre ton foyer »
L’étrange femme s’envola alors en direction de la lune, et disparue à nouveau.
Aussitôt les légumes cessèrent de pousser, et commencèrent à se flétrir, laissant réapparaitre la maison intacte comme la veille.
La vieille femme descendit avec peine de sa brouette et de son arbre. Toute tremblante, elle regagna son logis, triste d’avoir ainsi gâché sa seule chance d’avoir de quoi vivre sans se soucier du lendemain.
« Si seulement elle avait écouté l’étrange femme. »
Tout en traversant son jardin, elle aperçut une faible lueur sous une courgette flétris. Elle s’approcha, et découvrit sous le légume, une minuscule graine luisante, pas plus grosse qu’un grain de riz. Alors un immense sourire se fit sur son visage. Elle ramassa la graine, et se tournant vers la lune dit, merci.