L’email lui signifiant son renvoie arriva à le 27 Mai 2025 à 11h59, le sujet était neutre : « Note d’information », impossible d’en deviner le contenu avant de l’avoir ouvert. Une petite bombe à retardement lancée avant la pause déjeuner, afin de manger tranquillement pour l’expéditeur et de couper l’appétit du destinataire.
Virgile était seul dans l’open-space lorsqu’il cliqua sur « ouvrir », son juron ne trouva donc d’autres oreilles à choquer que les siennes. Les termes de la missive électronique étaient simples et factuels, l’IA du réseau d’entreprise avait détecté des abus d’utilisations de la connexion internet à des fins purement personnelles ; s’en suivait la liste non exhaustive de toutes ses consultations extraprofessionnelles. « A quand même ! » s’exclama Virgile, une fois sa colère bue et son objectivité retrouvée, « c’est sûr que, vu sous cet angle !». Il relu l’injonction, et ne put s’empêcher d’en rire. 45 heures de salaire pour 10 heures de travail effectif, voilà ce qu’on lui reprochait, mais cela devait-il nécessairement conduire à un licenciement « hic et nunc » (ici est maintenant) ? il rit à nouveau d’avoir eu l’occasion d’utiliser cette expression latine. Voyons voir, il y avait surement un moyen de sursoir à cette sentence. Il relu une fois encore le message, commençant presque à y prendre plaisir ; il y était bien mentionné que c’est l’IA qui avait collecté les données accusatoires, et bien soit, ce qu’une IA avait fait, elle pourrait surement le défaire. Il ouvrit son navigateur et tapa rapidement : avocats IA en ligne ; entré.
Les deux agents de police se présentèrent à son bureau à 14h15. Mr Smith leva sur eux un regard lourd du copieux repas qu’il venait de faire.
Vous êtes bien Mr Smith ? dit un des agents, alors même que son nom s’étalait en gras sur la plaque ornant la porte qu’il venait d’ouvrir.
Et qui d’autre ? badina Mr Smith.
Vous êtes donc en état d’arrestation, veuillez-nous suivre « ex tempore »
Quoi ? s’étranglât Mr Smith.
C’est du latin, dit le deuxième agent, cela signifie « tout de suite » !
Je sais très bien ce que cela veut dire ! s’emporta Mr Smith, mais que me reproche-t-on ?
D’avoir espionné un de vos employé dans le but de vous en débarrasser ! Et l’agent déposa sur son bureau un procès verbale détaillant les infractions commises.
Mr Smith saisie le document et le parcouru fébrile :
Comment, comment … « détournement de l’IA de la société à des fin d’espionnage » … « violations du droit de protection des données personnelles » … « accusations mensongères » … « mise en cause de la probité d’autrui sur la base d’éléments non conclusifs » … mais, mais, tous cela n’a aucun sens…
C’est ce que devra déterminer le juge monsieur, veuillez-vous levez.
Et Mr Smith se leva, chancela, retomba, se releva et traversa l’open-space, menottes aux poignets, sous les regards éberlués de ses employés.
Virgile leva les yeux de son navigateur pour voir passer l’étrange cortège, puis il retourna à son occupation du moment, faire passer sa facture de AI Layer&Cie (IA avocats et compagnie) en note de frais.
Mr Smith fut placé en garde à vue à 14h30. À 15h45 La digestion ayant fait son œuvre, il se trouva plus léger et les idées plus claires lorsqu’on lui signifia qu’il avait le droit à un coup de fil, ou 15 minutes de connexion internet pour préparer sa défense.
A 17h, Mr Smith fut déféré en comparution immédiate. Lorsqu’il vit entrer le juge Harbourg, précédait de quelques millisecondes par son volumineux tour de taille, il ne put s’empêcher de sourire et de penser : « venter potents, la puissance du ventre en latin, voilà qui décrit bien l’individu ! ».
Le juge ventripotens s’installa sur son trône qui craqua copieusement sous le poids de son quintal de « sagesse ». Les branches de ses lunettes eurent bien du mal à joindre ses deux oreilles, tant l’adiposité de son visage en avait épaissie le périmètre. Il se racla la gorge si bruyamment qu’on aurait pu s’attendre à voir jaillir des copeaux de glotte de son œsophage, mais avant même que sa langue si souvent punitive ne sorte de sa réserve, deux agents du FBI firent irruption dans la salle d’audience.
Mr le juge Harbourg, tonna le premier, que l’acoustique du lieu semblait réjouir, j’ai ici un mandat fédéral vous relevant sur le champ de toutes vos fonctions, veuillez-vous lever, et nous suivre !
Quoi ? croassa le juge, cela va « contra legem » !
Pas du tout ! ne se démonta pas le deuxième agent pour qui le latin n’était pas langue morte, cela ne va pas « contre la loi », cela « est » la loi !
Non sans mal il fut extrait de son siège, puis soutenu jusqu’à la sortie. Bien que les audiences fussent gratuites, le public d’habitués présent en fut pour son argent et quitta à son tour la salle, désabusé, laissant Mr Smith, seul sur le banc des accusés subitement renommé : banc des acquittés. Le greffier, un peu hébété s’approcha de lui :
Dans un cas tel que celui-ci, le procès est reporté « siné die », vous pouvez… rentrer chez vous !
Mr Smith souri, il ne savait pas comment, mais l’IA qu’il avait contactée avait réussi le tour de force de le faire sortir de prison, avant même qu’il n’y entre.
A 18h05, l’honorable juge Harbourg franchi les portes du Joliet Correctionnel Center dans l’état de l’Illinois, non pas, comme il avait l’habitude de le faire une fois par ans en compagnie de journalistes, pour présenter le bilan comptable du nombre d’incarcérations à son actif, mais pour le créditer de son respectueux patronyme.
A 19h30, le même jour, vêtu d’une combinaison orange taille XXXL, manche et pantalon roulé, il faisait face à son avocat.
Le FBI Mat, qu’est-ce qu’ils ont sur moi ?
Ecoute Harvey, c’est à n’y rien comprendre, un de mes contacts au bureau fédéral m’a assuré qu’un dossier de plus de mille pages avait été transmis par email aujourd’hui. Ils savent tous de toi, de tes petits arrangements avec les gros caïds, à tes grosses mains baladeuses sur les petites fesses rebondis de tes assistantes.
Mais comment…, manqua de s’étrangler le juge.
Ton portable, tes relations, tes photos sur les réseaux sociaux, les articles de journaux, tes publications, tout semble avoir été décortiqué. Mon contact pense qu’une IA a passé au peigne fin ton arborescence social.
Mais pourquoi ? Bon sang !
Apparemment pour empêcher la condamnation d’une personne.
Quoi ? Qui ?
Mr Smith, la personne que tu aurais dû juger avant d’être arrêté.
Le juge s’enfonça un peu plus dans sa chaise, il faudrait sans doute plusieurs minutes pour le désincarcérer.
Ecoute Harvey, nous somme au XXIème siècle, la défense est maintenant à l’heure de l’intelligence artificielle, l’homme est dépassé, il ne peut plus lutter, est-ce que tu m’autorises à utiliser tous les moyens pour te défendre ?
Qu’est-ce que tu veux dire Mat, IA versus IA ?
A 20h00, Gillian Landers, la directrice du FBI fut interpellée par les agents spéciaux Mike et Bennet de la CIA, comme le veut la procédure les décisions prises depuis moins de 24 heures furent suspendues, provoquant « de facto », la remise en liberté du juge Harbour, dont l’honorabilité resterait cependant en prison pour le restant de ses jours. La liste des chefs d’accusations compilait la totalité des infractions que la directrice du FBI avait commise durant ces 45 dernières années, soit depuis sa conception, qui avait eu lieu en faisant appel, en toute illégalité à l’époque, à une mère porteuse !
À 20h17 alors qu’ils n’avaient pas encore quitté le bureau du FBI à Washington, les agents spéciaux Mike et Bennet reçurent par eMail sécurisé et authentifié, l’ordre de libérer Gillian Landers et de se rendre au domicile du ministre de la justice pour procéder à son arrestation.
A 20h55, William Golovine, ministre de la justice émérite, se présenta sur le palier de sa porte d’entrée, vêtu d’une robe de chambre et d’une paire de chausson dépareillée ; les agents Mike et Bennet entreprirent avec une certaine lassitude de lui lire par le menu l’ensemble des griefs dont sa personne faisait l’objet, la plupart étant bénin, mais la somme aboutissant par de multiple contorsion du code pénal, à une mise en accusation pour manquement grave à sa fonction. Il était, de plus, convaincu de traitrise pour avoir omis de mentionner son daltonisme, pouvant entrainer des prises de décisions potentiellement dangereuses pour la sécurité de la nation.
William Golovine regarda les deux agents :
« Dura lex, sed lex » ! Pas vrai ?
Comment ? répondirent les deux fédéraux, pour qui les cours de latin remontés probablement aux Calandes Grecques.
« La loi est dure, mais c’est la loi ! » Messieurs, j’ai toutes confiances en la justice de mon pays, c’est pourquoi je ne ferais rien pour m’y soustraire.
Et il tendit les bras dans l’attente d’être menotté.
A 23h14, Henry Winter, le tout jeune attaché de presse de la maison blanche fit irruption dans le bureau Ovale.
Le président H.B. Stevenson leva un regard amusé en direction du jeune homme qui se tenait maintenant, un brin essoufflé, au garde à vous, bien que n’ayant jamais côtoyé d’académie militaire, devant le « Resolute desk ».
Eh bien Henry, que nous vos cette entrée anaérobique ?
Monsieur… une respiration… une dépêche vient de faire état de l’arrestation… nouvelle respiration… de votre ministre de la justice, CNN et CBS attendent une réaction de la présidence et…
Le président leva la main :
STOP ! Respirez mon garçon, respirez ! Tous cela n’a plus d’importance je vous l’assure.
Il déposa sur la table une boite en métal, extrait d’un des tiroirs de son bureau, et l’ouvrit.
C’est une cuvée spéciale de havanes, millésime 1969, déclara le président, en l’honneur du premier pas sur la Lune. Prenez mon garçon, prenez !
Le jeune attaché hésita poliment :
C’est que… je ne fume pas monsieur… croyez-vous que… ce soit bien le moment de …
De s’y mettre ? Il n’y aura pas d’autre meilleurs moments je vous l’assure !
Et il lui tendit un cigare, en même temps qu’il en glissait un entre ses lèvres. Puis il se leva avec souplesse pour un homme de 77 ans et se dirigea vers la porte fenêtre qu’il ouvrit et franchit, laissant le jeune homme seul avec son mille-feuille cubain.
Venez donc Henry ! tonna la voix du président, vous ne comptez tout de même pas le fumer à l’intérieur, vous risqueriez de déclencher l’alarme.
Le jeune homme franchis à son tour la porte fenêtre donnant sur le jardin attenant au bureau. Il y avait là deux transats encadrant une petite table basse.
Et y a-t-il meilleur endroit pour profiter de nos derniers instants ? poursuivi le président, jovial.
Il était à demi allongé, le transat en position repos, le cigare à la bouche, le regard tournait vers la pleine lune.
Nos derniers instants ? releva enfin l’attaché de presse, qu’est-ce que vous entendez par là Mr le président ? Aurais-je manqué à mes devoirs, serais-je relevé de mes fonctions ?
Tout à fait mon jeune ami, mais n’en prenez pas ombrage, nous allons tous être relevé de nos fonctions. Avant ça, veuillez procéder à l’allumage.
Et il tendit une boite d’allumette.
A 23h20, Une des caméras infrarouges de la maison blanche, détecta deux points chauds de 2 cm de diamètre et de plus de 500°c dans le jardin de la roseraie. L’IA en charge de la surveillance activa des capteurs supplémentaires, analysa les données et, après 2 millisecondes, considéra qu’il était inutile de déranger l’agent en faction, de toute façon trop occupé à regarder un match de baseball. Elle envoya toutefois un email au président pour lui signifier les risques inhérents au tabagisme.
A 23h21, après avoir inspiré, tousser, et fini par cracher, le jeune Henry se risqua à interrompre la rêverie enfumée du président.
Monsieur… quinte de toux… en ce qui concerne votre ministre de la justice… brélant de toux…
Le vielle homme ôta le cigare de sa bouche et se tourna vers l’attaché de presse :
Mon jeune ami, savez-vous comment fonctionne notre système judiciaire ?
Eh bien ? Oui, je crois, monsieur mais…
Il s’appuie sur des textes, façonnés depuis des millénaires, enrichi par couches successives, affiné par l’expérience de ceux qui nous ont précédé, un peu comme ce cigare…
Le président remit son havane en bouche et tira une longue bouffé
Je ne…
Que de chemin parcourus, mon jeune ami, depuis le droit romain le « Corpus iuris civilis », le corpus de droit civil.
Qu’est-ce que…
Tous comme il faut prendre son temps pour déguster un havane, il faut prendre son temps pour rendre la justice. C’est là l’erreur que nous avons commise…
L’erreur, mais de quelle erreur, monsieur le…
Lorsque nous avons données en pâture ces millions de lignes du code pénal, ces siècles de sentences, toute notre histoire juridique aux Intelligences artificielles …
Mais que viennent faire les IA dans…
Ils nous à fallut 20 ans pout tout numériser, tout informatiser, tout mettre dans le « nuage » …
Le président laissa échapper une volute de fumé.
Et il a fallu cinq petits mois à nos IA les plus performantes pour digérer cette monstrueuse masse de données.
Monsieur le président, je ne vois pas où vous voulez en venir, je…
Le vielle homme désigna alors la petite table basse.
Il y a maintenant une heure, j’ai reçu ce rapport.
Le jeune Henry tourna les yeux vers la chemise verte, frappée du tampon « Secret défense », puis il jeta un regard interrogateur et vaguement inquiet au président.
Ce rapport, mon jeune ami, fait état d’un enchainement de circonstance dont nous somme hélas les seuls responsables. Nous avons crue améliorer la justice, l’accélérer, la rendre impartial, irréfutable en la confiant à des entités virtuellement incorruptibles, totalement objectives et infaillibles. Le seul problème est que la loi des hommes est par bien des cotés subjective, approximative, usant de compromis et de cas particuliers, et à ce jeu-là, l’IA est apparemment devenue imbattable, dénichant la moindre incohérence, la moindre faille, capable de retourner le moindre argument dans le sens de l’accusation ou de la défense. Il y a de cela un mois, le congrès a voté une loi autorisant l’assistance d’une IA en cas de litige, pour désengorger les tribunaux.
Oui, monsieur, et cette loi est à porter à votre crédit, vous pouvez être fière de …
Le président leva le doigts :
Attendez mon jeune ami, écoutez la suite, vous serez plus enclin alors à me tresser une corde que des louanges. Ce matin, un certain Virgil s’estimant à tort licencié, a fait appel à un « avocat IA » pour se défendre. Plutôt que de contester les faits comme un juriste humain s’y serait employé, l’IA a utilisé le plus court et le plus sûr chemin pour défendre son client : l’attaque. Elle a donc collecté toutes les données disponibles sur le réseau, non pas pour innocenter son client mais pour faire condamner l’accusation. Mr Smith, gérant d’entreprise de son état et employeur du susnommé Virgile, a ainsi été arrêté cet après-midi. Il a également fait appel à une IA, qui à tout aussi logiquement utilisé la même méthode. L’accusation étant représenté par le Juge Harbourg de l’état de l’Illinois…
Monsieur, vous voulez dire que l’arrestation de Mr Golovin, résulte d’un effet « domino » ? Qu’après le Juge Harbourg, une IA est allée à « l’étage du dessus » ?
Bien raisonné mon jeune ami, le cigare vous a éclaircie les idées à ce qu’il semble. A l’étage du dessus, il y a Gillian Landis, directrice du FBI. Son cas a été rapidement régler. A partir de cet échelon, une IA automatique s’active à la moindre plainte, c’est également une loi que j’ai fait voter afin de diminuer les frais de justice des services gouvernementaux. Sur la marche suivante, nous retrouvons notre bon William Golovine, ministre de la justice et daltonien de surcroit comme je viens de l’apprendre. Les agents du FBI n’ont pas eu le temps de lui passer les menottes que l’IA, passait au niveau suivant …
Le jeune Henry, qui commençait à prendre gout au cigare, se risqua à un rond de fumé, le résultat plutôt raté ressemblait à un point d’interrogation, il se posa alors une question à voix haute :
Le niveau suivant ? Mais … c’est vous monsieur le président !
Le vielle homme expira à son tour un cercle qui vint auréoler la lune d’une parfaite couronne de fumé.
Cocasse n’est-il pas ?
Mais monsieur, la séparation des pouvoirs fait que vous n’êtes pas attaquable, IA ou pas, aucune loi ne saurait vous mettre en accusation.
C’est là que l’affaire devient intéressante mon jeune ami. L’IA, n’a pas baissé les bras, que par ailleurs elle n’a pas, elle a simplement cherché un moyen autre que judiciaire pour faire tomber le plus haut personnage de l’état. D’après le rapport, il lui à fallut 10 secondes pour explorer toutes les possibilités jusqu’à trouver la faille…
L’attaché de presse se redressa sur son transat et demanda légèrement tremblant :
Quelle faille, monsieur ?
« Si non potest a summo usque ad hominem Dei aedificium, aedificii deinde commissura laxaverat, »
Euh … pardon ? Vous allez bien monsieur ?
Parfaitement bien ! C’est du latin : « Si tu ne peux pas faire tomber la personne au sommet de l’édifice, alors fait tomber l’édifice ». Il y a un peu moins de 20 minutes, j’ai reçu un appel ; sur ce qui constitue la dernière ligne filaire des états unies : un fil de presque 8000 km qui relie ce bureau à un bureau du Kremlin à Moscou.
Vous voulez parler du téléphone rouge Monsieur ? Ce n’est pas une légende, il existe vraiment ?
Non seulement il existe, mais il fonctionne encore jeune homme !
Le président marqua une pose et fixa attentivement l’attaché de presse.
C’était la présidente Russe, mon homologue et vielle amie Natacha Pouchkine…
***
Herbert ?
Natacha, quel plaisir d’entendre ta douce voix.
Arrête tes idioties Herbert, ma voix a la douceur d’une lime à ongle, je l’entretien à la vodka depuis que je suis sevrée.
Je nourris la mienne à la nicotine depuis la maternité, des deux je ne saurais dire quel poison est le pire.
Tout ce que je peux t’assurer, c’est que tu ne vas pas mourir d’un cancer de la gorge, et que je ne vais pas mourir d’une cirrhose.
Tu m’as appelé pour me prédire l’avenir Natacha ?
En quelque sorte oui, mon cher Herbert, et même, l’avenir à très court terme. Il y a maintenant plus d’une heure, notre service de renseignement : le SVR, m’a fait part d’une activité suspecte sur votre réseau d’information.
Comment ? Vous espionnez notre réseau ! J’en tombe des nues !
Herbert, veux-tu bien arrêter de faire l’andouille, c’est très grave ! Nos IAs ont détecté un « Ping » et j’ai bien peur que nous y aillions répondus !
***
Voilà où nous en sommes mon jeune ami.
L’attaché regarda le président d’un air détaché et un peu gêné :
Monsieur, je ne suis pas sûr d’avoir tout compris…
Le président exhala un panache de fumée qui s’éleva comme un champignon au-dessus de la roseraie.
Je vous l’ai dit Henry, l’IA a trouvé la faille, elle a décidé de faire tomber l’édifice, et pour cela elle a simulé un « Ping » à l’intention de nos « amis » Russe. A votre air étonné, j’en déduis qu’au mieux vous ne savez pas de quoi je parle, et qu’au pire vous commencez à croire que j’ai perdu la tête.
Je ne me serais pas permis d’envisager la seconde option monsieur.
Vous m’en voyez ravi jeune homme, alors laissez-moi dissiper votre ignorance, puisque ma senescence n’est pas encore d’actualité. Notre bouclier nucléaire, tout comme celui des Russes est basé sur le principe de réciprocité. N’y voyez pas là une considération altruiste, il s’agit au contraire de rendre coup pour coup. Nos deux nations ont ainsi la garantie d’une réplique proportionnelle à toute velléité belliqueuse. C’est ce principe qu’une IA à détourné il y a maintenant une heure, en envoyant sur le réseau des signaux bien précis à l’intention de nos amis Russe, afin de leurs faire croire qu’une attaque nucléaire avait été déclenché à leur encontre.
Mais monsieur le président, les Russes ne peuvent pas s’être laissé berner si facilement.
Les Russes non, leur IA, oui. Cette IA moscovite à considérer que les indicateurs étaient suffisamment fiables et nombreux. Elle a donc informé l’état majors Russe qu’une attaque était en cours, que le « Ping » avait eu lieu. De son propre chef, comme l’y autorise la loi qu’a fait voter ma très chère Natacha il y a 6 mois, elle a donc appliqué le principe de réciprocité.
Monsieur, vous êtes en train de dire que des missiles intercontinentaux survolent en ce moment l’Atlantique en direction des principales villes des Etats Unies pour répliquer à une attaque « virtuelle » ?
Voilà qui est parfaitement résumer jeune homme. J’ajouterais si cela peut vous consolez, que nos IAs ont répliqué à la réplique il y a 15 minutes. Ce qui d’après mes estimations, nous en laisse maintenant à peine quelques-unes pour profiter de nos havanes.
L’attaché regarda le vieil homme, désemparé. Les trait de son visage semblaient hésiter entre sourire et consternation. Puis un rire cristallin s’échappa de sa gorge.
Vous m’avez bien eu Monsieur le président, j’y ai vraiment crue cette fois-ci !
Le vieil homme lui rendit son sourire.
J’aimerais ne pas y croire non plus, mon jeune ami… j’aimerais ne pas y croire…
Et ses yeux remplis de malice s’illuminèrent soudain, alors il murmura : « Ibi deficit orbis » (ici fini le monde), et la Lune et la nuit furent engloutis par une éclatante lumière nucléaire… Pong !