Chapitre 8 – Un plan parfait !

Bzzziiig ! C’est le drôle de bruit que venait de faire la sonnette du « Doktor Zahnbrecher »

Brr, a fait Mathilde, on dirait qu’on vient d’appuyer sur l’interrupteur d’une chaise électrique.

Ça n’a pas fait rire Alex, dont la joue avait en quatre jours quadruplé de volume.

Ne t’inquiète pas, a ajouté Mathilde comme pour se faire pardonner, tu auras droit à ton anesthésie.

Ouai, a ânonné Alex, avant de passer sur la chaise, tous les condamnés y ont droit.

Dix secondes s’étaient déjà écoulées depuis la dernière exécut… euh je veux dire, la dernière sonnerie.

Possible qu’il soit pas là ? a commencé Alex avec une lueur d’espoir dans les yeux, avant d’être interrompu par un cri.

Mathilde a sursauté :

C’était quoi ça ?

Je tentais de rester zen :

Je sais pas, mais ça ressemblait pas à un cri humain si ça peut vous rassurer.

Alex s’est penché vers moi, du haut de son mètre probablement 78 (il faudra que je pense à le mesurer discrètement) :

Merci, je suis parfaitement rassuré maintenant que je sais que le Doktor fait sortir des cris inhumains de la bouche de ses patients.

Et la porte s’est ouverte. Et le « Her Doktor » est apparu.

La première chose que je constatais, c’était sa blouse blanche et immaculée, ce qui était une bonne chose, même si à bien y réfléchir, il avait très bien pu en changer avant de nous ouvrir. J’essayais d’effacer l’image d’une blouse couverte d’hémoglobine et d’un patient sanguinolant, qui venait de jaillir de mon esprit comme le sang d’une artère sectionnée (désolée pour les personnes sensibles, mais c’est trop tard !)

La deuxième chose, c’étaient ses cheveux, blancs comme sa blouse, et en batailles comme s’il les avait séchés dans un panier à salade. Et la troisième, c’était son regard, qui avait quelque chose d’étrange…

J’ai l’impression qu’on vient d’ouvrir la boîte de docteur Maboule, a dit Mathilde à voix basse.

Hum, oui, c’est ça, il avait vraiment l’air… maboule. J’ai levé la tête vers Alex, et sans parler j’ai essayé de lui dire, « pardon » avec le sourcil gauche et « je suis désolée » avec le sourcil droit (mais je ne suis pas sûre qu’il fasse « sourcil » en deuxième langue).

Docteur Maboule a parlé :

Arr, Her Alex, fou zet finallemend reufeunu ! Afec fotre maman et fotre krant mér, ya ! Guten tag meine damen ! (Bonjour mesdames !)

Ok, en plus d’avoir un regard de maboule, il avait une vue de talpidé (voir un des chapitres précédents, je ne sais plus lequel).

Mathilde, qui visiblement comprenait aussi bien le franglais que le frallemend, m’a murmurée l’air faussement vexé :

J’aimerais bien savoir qui de nous deux est la mère, et qui est la grand-mère ?

Her Doktor a tourné les talons, les a faits étrangement s’entrechoquer et s’est éloigné dans le couloir. J’ai tiré sur la manche d’Alex qui commençait à la suivre.

Tu sais, je t’en voudrais pas si on s’en va.

Il a souri d’un seul côté :

T’inquiète, je t’en voudrais pas si on reste. Et il a emboîté le pas du docteur.

***

Au bout d’un petit couloir blanc, il y avait un comptoir, un peu comme dans un bar (afin j’imagine, car je ne fréquente pas ce genre d’établissement) sur lequel était posé un écran d’ordinateur et un bol.

Her doktor s’est approché du comptoir, a levé la main comme s’il allait commander un verre de schnaps (je crois que c’est un désherbant allemand, qui peut également servir de désinfectant et en derrière recours de désaltérant), et l’a plongé dans le bol. Puis il l’a ressorti remplis de… cacahuètes ? Qu’il a engouffré dans la bouche droite de sa blouse (sa poche quoi).

Nous avons ouvert des yeux gros comme des noix de coco.

Mince a dit Mathilde, c’est pire que ce que je pensais !

Eh ! C’est vrai, ai-je répondu, j’adore les cacahuètes, il aurait pu nous en proposer quand même !

Le Doktor s’est tourné vers Alex, je remarquais alors qu’il avait oublié deux cacahuètes dans le bol, je me proposais de les « accepter » et les glissais dans ma poche. (Bon, ne faites pas des yeux noix de coco vous aussi, je vais pas finir en prison pour deux misérables cacahuètes ! Si ?)

Serh gut, Her Alex, nous zallons poufoir nous socupper de fotre touleur, feuillez me zuivre, et il a une fois de plus fait claquer ses talons.

Nous l’avons tous suivi jusqu’à une porte très accueillante où était accroché un petit panneau sur lequel était marqué « danger ».

D’une main décidée comme un pas, il a ouvert la porte. Ouf, ce n’était pas la salle d’opération mais la salle radio.

Il est allé se placer derrière un écran de contrôle, puis il demandé à Alex de se mettre contre une drôle de machine à l’autre bout de la pièce.

Maman et krante maman, fou poufez fou mettre terriere moi z’il fou plait,

Je me suis avancée la première.

Merci de me laisser le rôle de « krant maman » ! a bougonné Mathilde.

***

A partir de là, il allait falloir écarquiller nos yeux et nos oreilles.

Her Doktor a manipulé un petit joystick. Une plateforme située au-dessus d’Alex est rapidement descendue. Alex a poussé un cri, la plateforme est légèrement remontée et Alex s’est vigoureusement frotté la tête.

Arr, Her Alex, fou avez la tête tur, heureussement fou n’afez pas kassé le matériel. Sehr gut ! Maintenante, ne pouger plus, la betite oizeau vat zortir.

Sur l’écran de contrôle, je pouvais voir le visage crispé d’Alex. Her Doktor a appuyé sur un gros bouton noir à côté du joystick. La plateforme surplombant la tête d’Alex s’est mise à tourner lentement, révélant un panneau incurvé qui peu à peu est venu masquer son visage, pendant que sur l’écran apparaissait le contenu de son crâne sous plusieurs angles différents.

Ya ! s’est exclamé le Doktor, fou avez un grosse cerveau et un bédite abzés, das ist mieux que le kontraire, nein ? et il s’est esclaffé.

Puis la plateforme a achevé sa rotation et la tête d’Alex est réapparue. Je vérifiais discrètement qu’il ne lui manquait rien. Yeux, bouche, nez, abcès, tout était là, et à la bonne place !

Gut ! a dit le Doktor, jetz (maintenant), nouz allont poufoir fou elitminer.

Mathilde a sursauté.

Arr, s’est repris Her Zahnbrecher, je veux tire, fou elitminer zet abcés, ya ? Folge mir (suivez-moi).

Alex a poussé un gros soupir et pris la suite du docteur. En passant il nous a fait un clin d’œil de sa joue encore valide (ben ouai, pour faire un clin d’œil on se sert de la joue, c’est comme ça)

Maintenant, c’est à vous de jouer.

***

Mathilde et moi avions pris résidence dans la salle d’attente. L’endroit était frugalement décoré d’une plante, dont les fleurs jaunes en forme de petit croisant, rappelaient ce fruit exotique à la peau épaisse et la chair tendre et sucrée qu’on déguste crue ou cuit et… Bon, ok j’ai oublié comment ça s’appelle (vous pourriez m’aider là !).

C’est un bananier ! a remarqué Mathilde (Ah ben voilà, elle a été plus rapide que vous), qu’est-ce qu’on fait avec un bananier dans une salle d’attente ?

Ben, on attend que poussent les bananes je suppose. C’est peut-être une méthode allemande pour faire passer le temps.

Une espèce d’horloge à banane tu veux dire ?

Ouai, là par exemple, il doit être banane moins dix.

En tous cas y’en a un qui doit pas être en train de se fendre la banane en ce moment.

La poire, on dit : se fendre la poire.

Et un cri aigu à fendre l’âme d’une poire a retenti derrière la porte de la salle d’opération. Et le présent a englouti tous les autres temps.

***

Mathilde se lève précipitamment comme si la chaise lui avait mordue les fesses.

Le cri c’est le signal ? C’est ça non ?

Sa respiration est saccadée.

Euh, je sais pas trop si c’était Alex qui …

Puis un second cri crisse à nos oreilles.

Là, c’est lui ! Faut y aller !

J’ai l’impression que son injonction m’injecte de l’adrénaline dans les veines.

On se précipite au ralenti dans le couloir. Mathilde se colle comme un magnet à la porte de la salle d’examen, je m’approche furtivement de la porte de la salle radio. Le petit panneau essaye de m’intimider en hurlant un « danger » à mes yeux. Ma main n’en tient pas compte et tord le cou à la poignée. La porte s’avoue vaincue et pivote avec déférence avant de me laisser pénétrer dans l’antre radioactif (enfin, je suppose car je n’ai pas mon compteur Geiger pour vérifier).

Je m’approche de l’endroit où Alex se tenait et je sors la boîte de ma poche. Je cherche un endroit où la poser, et après une seconde d’exploration infructueuse, je murmure aussi fort que je peux (je viendrais pas de faire deuxième un oxymore ? Je vous laisse trouver le premier, là j’ai pas le temps)

Mathilde, y’a pas d’endroit où poser la boîte, viens faire l’étagère vite !

Elle se décolle comme un vieux sparadrap mouillé (elle est déjà en sueur) et marche à reculons vers moi tout en continuant à surveiller la porte.

Un bruit de perceuse et un nouveau cri viennent faire trembler nos tympans.

Mathilde dégluti :

Ça fait un gros bruit pour une petite fraise non ?

Je préfère ne pas y penser :

Vite, mets-toi dans le coin, sous la plateforme.

Je lui tends la boîte.

Mets-la au niveau de ta bouche.

Je me faufile derrière l’écran de contrôle, je pose ma main sur le joystick.

Euh, t’es sûre que tu vas savoir manipuler cet engin, c’est pas un presse purée je te rappelle !

Je tente de la rassurer :

T’inquiète, je m’arrête avant que tu ressembles à du hachis parmentier.

J’en ai l’eau à la bouche, je tremble un peu, mais moins que Her Doktor, j’appuie sur la petite manette.

Victoire, la plateforme descend. Je lâche le joystick avant de scalper Mathilde. Je respire et j’essaye de me rappeler si je n’ai rien oublié, ah si :

La betite oizeau vat zortir ! et j’appuie sur le bouton.

La plateforme commence à tourner, c’est trop facile !

STOOOOP !!!

Sans réfléchir j’écrase le bouton noir.

Ça passe pas, tu vas me raboter les bras là !

Les coudes de Mathilde dépassent.

Mets la boîte dans ta bouche et tes bras le long du corps.

Quoi ?

La boîte !

Mathilde soupire, place la boîte entre ses mâchoires et la mord.

Ai bon a ? (Traduction simultanée : j’ai bon là ?)

Parfait !

Je vais appuyer sur le bouton quand du coin de l’oreille je perçois un bruit venant de la porte de la salle d’opération. Je tourne la tête et vois pivoter la poignée au ralenti, dans un souffle je dis à Mathilde :

Surtout, ne bouge pas !

Je bondis à travers la porte que je ferme sans même m’arrêter, me jette dans la salle d’attente et plonge sur une chaise juste au moment où le Her Zahnbrecher sort de la salle d’opération !

Il vient vers moi, s’arrête, tend un bras ganté. Je vois défiler ma vie :

La maternité, mon 1er rot, la douce chaleur de mon 1er pipi, ma 1er…

Banane, ya !

Et le Dokor arrache une petite banane du bananier qui est juste à côté de moi. Il la regarde comme s’il voyait une banane pour la première fois, puis il me regarde, j’ai l’impression qu’il cherche les sept différences. Mon cœur s’emballe et demande de l’aide à ma langue :

Euh … Sehr gut banana ? (Très bonnes les bananes ?)

Il fait une grimace et hausse les épaules.

Für eine singe, ya ! et il claque les talons, retourne dans la salle d’opération et claque la porte.

Ouf ! Je m’affaisse dans ma chaise, il n’a pas noté l’absence de « Krant Maman ».

Mathilde ! Je l’avais complètement oubliée, je m’éjecte de mon siège et me parachute sur la porte de la salle radio.

Ai a o o ! (Je décode : c’est pas trop tôt ?)

Mathilde dégouline, la mâchoire crispée sur la boîte

Ouge oi un eu (bouge-toi un peu ? j’ai l’impression qu’elle parle le Tom Cruise, elle pourrait articuler quand même).

Ok, j’appuie de nouveau sur le bouton. La plateforme pivote et son visage squelettique apparaît enfin sur l’écran !

C’est quoi ce bazar ?

Hein oi ? bafouille Mathilde.

Tu peux enlever ton dentier, je comprends rien à ce que tu dis !

Elle recrache la boîte et me rejoint.

Eh, mais finalement c’est pas aussi vide que ça ! Faudra que je montre la photo à mes parents.

Mathilde, c’est pas le contenu de ton crâne qu’on voit, c’est le contenu de la boîte.

Ah, je me disais aussi, ça avait l’air trop bien rangé.

Un bruit de tractopelle en provenance de l’autre salle, nous ramène à notre mission. Alex doit avoir la bouche en chantier.

Surveille la porte pendant que je récupère l’image !

Je la regarde s’éloigner et ventouser son oreille sur la porte (sploc !).

Bon, il est temps de revenir à mes moutons, je me tourne vers l’écran, et me retrouve nez à nez ( ?), avec une saucisse !

Non mais ? Les parties intimes et mystérieuses de Mathilde et de la boîte ont disparue ! A la place, une dizaine de saucisses parcourt l’écran comme autant de petits nuages roses (des saucissonimbus peut-être ?).

***

Mes tempes battent au rythme de mon cœur, qu’est-ce que je suis sensée faire ? Je n’ai pas le temps de me gratter le sourcil gauche pour m’allumer le cerveau qu’un couinement résonne depuis la porte d’en face. Mathilde se décolle la ventouse (colps !), et s’écarte de la porte. Plus un son, plus rien ne bouge, puis un bruit de centrifugeuse suinte à travers les murs. Et la voix du Dr Zahnbrecher trompette à nos trompes d’Eustache :

Ne fou zinquitez pas herr Alex, z’est sans tanger !

Et un cri arrache une feuille à nos cœurs d’artichauts. Mathilde murmure inquiète :

Qu’est-ce qu’il fait là-dedans, il passe Alex au mixeur ?

Une image de zombi à paille refait surface du premier volume de mes chroniques (que je vous conseille si vous ne l’avez pas lu). Je repasse en vue réelle juste à temps pour la voir entrouvrir la porte. Je souffle dans sa direction :

Mais qu’est-ce que tu fous ? (Veuillez pardonner cet écart de langage qui ne reflète en rien la bonne éducation que mère et que père m’ont donnée).

Pas de réponse, son cerveau sonne occupé, je laisse un message sur son répondeur :

Euh, Mathilde, tu pourrais refermer la porte avant qu’on se fasse repérer et rappliquer par ici, parce que j’ai un problème là, tout de suite. Et je termine par un : rappelle moi dès que tu as ce message.

Cinq secondes plus tard, le message à l’air d’avoir atteint la masse spongieuse qui flotte dans sa cavité cérébrale, elle pousse délicatement la porte, se retourne vers moi et s’avance tel un spectre qui aurait vu un fantôme dans ma direction. Son visage reflète l’hébétude et sa bouche est agitée de petits mouvements verticaux. Une fois à ma hauteur je lui murmure :

Mathilde ? Ça va ? Qu’est-ce que tu as vu là-dedans ?

Ses yeux et sa langue semblent se remettre correctement dans leurs orbites, elle me regarde et me dit :

Son assistant, j’ai vu son assistant !

Eh ben, c’est plutôt une bonne nouvelle qu’il ait un assistant non ? Tu pourrais m’aider maintenant ?

Apparemment elle a retrouvé la parole mais pas l’ouïe.

C’est lui qui mange les bananes …

Oui, Ok mais là, moi, j’ai un problème de saucisses.

J’ai l’impression de parler dans un violon.

…et les cacahuètes !

Je sens qu’on va avoir du mal à se comprendre.

Tu comprends toujours pas ? (C’est bien ce que je dis), son assistant, c’est un singe ! UN SINGE !! et elle se met à se gratter sous les bras en poussant des petits cris.

***

J’hésite à aller cueillir une banane dans la salle d’attente pour la calmer, lorsque soudain, un silence assourdissant interrompt la séance d’épouillage qu’elle commençait à me prodiguer.

Tu entends ?

Je lui réponds inquiète :

Non ! Parce que toi tu entends quelque chose ?

Justement, plus un bruit, c’est curieux non ?

Et puis la voix du Doktor traverse le mur pour venir faire tinter son accent teuton à nos oreilles :

Ya, nouz avont derminé herr Alex. Herr Alex ? fou m’entendre ? Arrr, Sigmund, enléfe ces bananes de sez oreilleux, un patiente ce n’est paz un jouéte !

On se regarde et on s’exclame en chœur comme deux sœurs jumelles : « Il a fini ! ». Et c’est la panique dans notre petite boutique. Un cri de désespoir s’échappe de ma gorge ;

Retiens, le docteur et son… assistant… ou quoi que ce soit ! Je vais essayer de me débrouiller avec mes saucisses !

Mathilde me regarde, regarde les saucisses volantes, et la lumière jaillit de son cerveau comme le ketchup de sa bouteille

C’est un économiseur d’écran ! et elle se précipite vers sa porte tout en claquant la mienne.

Je me retrouve prisonnière comme euh…, une saucisse dans son hot dog ? Ma respiration s’accélère, j’ai chaud et pourtant je frissonne. Comment m’échapper de ce piège ? Pas de sortie de secours, pas de fenêtre, plus d’espoir ! J’essaye de me calmer et de reprendre les choses dans l’ordre.

Qu’est-ce qu’elle a dit déjà ? Un économiseur d’écran ? Je me tapote le front, mais oui ! Je suis vraiment trop bête ! Je tapote l’écran. Bingo, il est tactile. Les saucisses disparaissent au profit du profil de Mathilde.

Depuis le couloir j’entends la voix de Her ZahnBrecher.

Sehr gut meine Krant Maman, fotre petite fils vat bient, zon abzés est zoigné, ya ! Und ne fou zinquité pas zi ses oreilleux zent la banane ! et il s’esclaffe à nouveau. Aber ? Ou es fotre charmante fille ?

Une seconde d’au moins plusieurs secondes s’écoulent, j’ai l’impression d’entendre les méninges de Mathilde tourner à plein régime.

Euh, c’est-à-dire …

Ça commence à sentir les neurones grillés jusqu’ici lorsque :

Les toilettes ! Où sont les toilettes ! Je dois me … repoudrer le nez.

Arr, les franseusich, fou afez de trole de manière de barlér de la petite komizion. Das ist bar ici.

Un claquement de talons et je les entends s’éloigner. Génial ! Mathilde m’a offert un peu de répit. Vite, je sors le vieux téléphone que Jérémie m’a donné en guise d’appareil photo et je mitraille l’écran comme un paparazzi. J’ai tout ce qu’il me faut, plus qu’à quitter les lieux discrètement. J’approche à pas de loup de la porte et tends des oreilles de Lynx pour voir si la voix est libre (j’ai dix sur dix à chaque oreille, mais pas de poils aux pattes je précise). Aucun bruit à l’horizon, je décide d’ouvrir la porte et me retrouver nez à … pas de nez (?), avec un singe !

***

Je pousse un cri en Do, il m’imite et pousse un cri en Ut. Il est perché sur le comptoir juste à côté du bol. Il est vêtu d’une petite blouse blanche et ses mains sont gantées de blanc ; et ses pieds aussi !

Du fond du couloir j’entends Her Doktor qui parle à Mathilde qui doit être enfermée dans les toilettes.

Toute vat bient meine Frauleine ? Z’était la grosse komizion nein ? et il repart d’un rire tonitruant !

J’entends un bruit de chasse d’eau, le numéro de Mathilde va prendre fin et je suis tétanisée devant la porte ouverte de la salle radio. Je fais mine de la fermer mais le singe me montre ses dents, parfaitement blanches, parfaitement alignées, et parfaitement aiguisées (il ressemble vaguement à Tom Cruise) ! Soudain, une effluve d’arachide se rappelle à mes narines. Je plonge la main au fin fond de ma poche et en ressors les deux cacahuètes que j’avais « empruntées ». Je n’ai pas le temps d’ouvrir ma main qu’elles sont déjà passées dans les pieds de Sigmund. Il ne fait plus attention à moi, mon ego en prend un coup, je vaux moins à ses yeux que deux cacahuètes.

Je ferme la porte de la salle radio et me faufile collée au mur jusqu’à la salle d’attente. Pas le temps de reprendre ma respiration que déjà Mathilde et de retour avec un Her Doktor hilare :

Et Foila ! Grosseux Komission akomplite !

Je fais un clin d’œil bancale à Mathilde :

Ya ! Mission accomplie ! On peut rentrer à la base…

Eh ! Mais on n’aurait pas oublié quelque chose ?

***

Alex ! Euh … Alex, c’est bien toi ?

En le voyant sortir de la salle d’opération, chancelant comme la flamme d’un cierge (1m78 à peu près quand même !), on pourrait en douter.

Her ZahnBrecher s’approche de lui :

Ya ! Ceute krant kaillarde aite en plein forme, ich bin zertain qu’il n’a plut de touleur, et il lui donne une grande claque dans l’omoplate, sauf dant le dos bient zur, et il se met à rire bruyamment.

Sigmund se met à rire également tout en se tapant les fesses sur le comptoir et en applaudissant avec sa deuxième paire de mains (ou de pieds, ça dépend comment on se place).

La petite partie logique, que j’ai dû hériter de mon père, se met à clignoter dans ma tête, signalant que la dose admissible de « n’importe quoi » (« n’importe nawak » en langage périphérique) est en train d’être atteinte, et qu’une exposition plus longue à la folie ambiante pourrait entraîner des séquelles irrémédiables.

Mathilde regarde Alex qui regarde Mathilde qui regarde Sigmund. J’ai l’impression qu’il y a eu du court-jus dans leur boîte à fusible. Je profite des quelques bribes de facultés mentales qu’il me reste pour les interpeller :

Bien, Euh … Maman ? Alex ? On y va maintenant !

Et je montre l’exemple en me tournant vers la porte d’entrée. Je commence à avancer prudemment.

Soudain je sens une main se poser sur mon épaule. Je tourne la tête, j’aperçois un gant blanc. Je fais rapidement le compte des personnes de mon entourage immédiat qui portent des gants blancs. Je n’en connais que deux, et l’une d’elle seulement descend du singe. Je n’ose plus bouger jusqu’à ce que la voix « rassurante » de Her Dokor me glisse dans l’oreille :

Et n’hessiter pas à lui mettre de la glace en kas de touleur, ya ?

Il me tient toujours l’épaule, apparemment il attend une réponse :

Sur la joue ? (bon, je n’ai qu’une question en stock)

Nein, danz une ferre de schnaps bien zur, il faute le boire « cul sec », effet andi-touleur karantie ! il me lâche et repart d’un rire hystérique, accompagné de Sigmund.

Euh…Danke shoen Her doktor.

Je prends Mathilde et Alex par la main et les entraine rapidement vers la sortie sans plus me retourner de peur de voir Le Dokor Zahbrechher et Sigmund se taper les fesses par terre.

***

Je venais de claquer la porte et, un peu comme si j’avais claqué des doigts à la fin d’une transe hypnotique, Mathilde est sortie de son état végétatif et m’a demandé, tout en reprenant sa respiration :

Ça s’est vraiment passé ?

Je l’ai regardé un peu hébétée :

Je sais pas, un jour, il faudra que j’écrive tout ça et que je le relise pour me rendre vraiment compte.

On s’est tournée vers Alex, il n’avait toujours pas dit un mot depuis qu’on s’était « échappé ». Mathilde l’a interrogé doucement :

Alex, ça va ? On est sorti, tout va bien maintenant.

Il a bafouillé d’une voix remplie d’effroi :

Le singe… Sigmund… le singe…

J’essayai de le calmer :

Oui, on sait Alex, finalement le Dr Zahnbrecher a trouvé un assistant, c’est juste que… c’est un singe. Bon ok, il t’a mis une banane dans l’oreille, mais …

Mais non, c’est pas ça, c’est le Dr Zahnbrecher…

Quoi ? a dit Mathilde d’une voix la plus apaisée possible, c’est le Docteur qui t’a mis une banane dans l’oreille ?

MAIS NON ! s’est énervé Alex, vous comprenez rien, le Dr Zahnbrecher, c’était LUI, l’assistant !

Euh ! je crois que là, on allait tous avoir besoin d’un grand verre de schnaps, avec de la glace !

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