Chapitre 6 – Duo sur canapé

Ding Dong ! Même si la sonnette avait sonné dans le bon sens, j’étais légèrement tendue comme une ficelle anglaise (je vous laisse chercher la traduction). L’idée qu’il puisse penser que j’étais cinglée n’était pas pour me réconforter, et même si Mathilde était là pour témoigner de ma santé mentale (ou de notre folie commune), j’appréhendais de voir la porte s’ouvrir.

Pour ne pas laisser prise à l’anxiété que je sentais poindre, je repensais à ce qui avait suivi notre visite chez Mammy. (Ouf ! Tout ça pour dire qu. e je vais utiliser pour la première fois sous vos yeux ébahie : la technique du Flash-back.)

Alors, retournons gaiement en arrière, de quelques dizaines de minutes.

***

Le dernier rebondissement nous avait laissé sans voix, et c’est en mimant un « au revoir » à Mammy que nous somme retournées chez Mathilde et plus précisément, sur son canapé, et plus exactement : affalées. L’excitation avait fait place à la fatalité.

Après quelques secondes d’électro-encéphalogramme plat, Mathilde a mollement levé le doigts comme pour demander l’autorisation de parler.

Oui ? Quelque chose à ajouter ? l’ai-je questionnée.

Bon, ok, je crois que ma théorie du « hasard » a du plomb dans l’aile.

Ouai, je crois même qu’elle vient de se faire planter un « piou » en plein cœur.

La bouche de Mathilde a dessiné une banane à l’envers :

C’est quand même une fin atroce quand on y pense.

Je tentais de relativiser :

Au moins, même s’il a porté un nom très commun toute sa vie, Mr Dupont a eu une mort très originale.

La banane de Mathilde a dessiné une bouche à l’endroit :

C’est vrai, et puis il est sûrement mort dans son lit, mon père dit que c’est ce qu’on peut espérer de mieux.

Comment ça dans son lit ?

Ben ouai, les vampires, il faut leur planter un pieu pendant qu’ils dorment dans leur cercueil non ?

J’ai alors dit sans réfléchir (ça fait partie des reproches que me font mes parents) :

Je me demande… est-ce qu’il y a des cercueils King size pour les couples de vampires ?

Je suppose, a dit Mathilde, et peut-être même des cercueils superposés pour les familles nombreuses.

Et des poussettes cercueils à roulettes pour les bébés vampires ?

Elle a fait semblant de réfléchir (elle au moins, elle fait semblant)

Là, je suis pas sûre, parce-que niveau discrétion, ça laisse à désirer, après faut pas venir se plaindre si on se retrouve avec un pieu dans le cœur.

Niveau intelligence, on frôlait la greffe de cerveau, mais niveau banane, on était de nouveau à plein régime !

***

Il n’empêche, on n’était pas plus avancée. Il nous fallait de toute urgence un plan, et vu la somme actuelle de nos quotients intellectuels, ça n’allait pas être de la tarte à la cervelle (je sais, c’est répugnant). J’ai alors vu la main de Mathilde s’approcher en catimini de la télécommande, avant de lui sauter sur le clavier, et de lui enfoncer le doigt dans l’œil (j’y peux rien si la touche télévision est symbolisée par un œil).

Et la fenêtre magique s’est ouverte ! Et sa lumière a éclairé la morne plaine qu’était devenue notre vie.

La lumière en question, c’était un reportage animalier, le genre où le commentateur semble parler lentement pour vous endormir, et doucement pour ne pas vous réveillez. Par chance, ce n’était pas sur les chauves-souris vampires ou autres sangsues buveuses de sang.

« Et donc » disait la voix monotone, « la taupe Hin-Hambour d’Australie, aime à creuser des galeries… » (je cite de mémoire, n’écrivez pas pour me dire que je raconte vraiment n’importe quoi)

Passionnant ! a baillé Mathilde

« … qu’elle utilise pour échapper à ses prédateurs. Elle peut s’y terrer pendant des heures en attendant que le danger soit passé… »

J’ai baillé à mon tour et articulé :

Un peu comme une chambre d’ado quoi !

« Ce petit mammifère a la vue basse… » la voix continuait monocorde et soporifique.

Parfois la télé, c’est une véritable machine à laver le cerveau. Toutes ces histoires de boîte, d’œil, de sang, de vampire se sont mises à tourner dans ma tête, et à se diluer peu à peu au fil du documentaire. Jusqu’à ce que :

« Cet astucieux mammifère, de la famille des talpidés, pousse ses prédateurs à se démasquer en disposant des appâts qui… », et que la fenêtre magique se referme !

J’ai mollement protesté :

Mathilde, ça devenait intéressant là, j’étais en train de m’endormir.

Sans même détourner le regard de la télévision éteinte elle a dit :

C’est ça, la solution !

Quoi ? Creuser un trou comme une taupe et se cacher en attendant que le danger soit passé ?

Non, il faut que tu démasques ton ennemie !

Je la regardais perplexe et commençais à me gratter la moustache de l’œil gauche (le sourcil, c’est un peu à l’œil ce que la moustache est à la bouche non ? Bon, je dis ça mais je n’ai pas de moustache, et j’espère que vous non plus !). Contrairement à moi, la télévision semblait avoir sur l’intelligence de Mathilde un effet bénéfique. Faisait-elle partie sans que je le susse de l’astucieuse famille des talpidés ?

C’est simple, a-t-elle continué en me regardant comme si elle ne me voyait pas (moi, je dis que ça se confirme pour les talpidés), il faut qu’on pousse ta nounou à dévoiler sa vraie nature, et la boîte va nous servir d’appât ! Mais avant ça, il faut qu’on arrive à savoir ce qu’elle cache !

Là, j’étais un peu perdue.

Tu veux dire, ce que cache ma nounou ?

Non ! a répondu Mathilde, comme si tout ce qu’elle disait était clair comme de l’eau (contrairement à ce que je la soupçonnais maintenant d’avoir bu au chapitre 4) Ce que cache la boîte, et pour ça, je ne vois qu’une solution.

J’avais beau plissé les yeux, moi, je ne voyais rien.

Il faut faire appel… à notre « team »

Elle paraissait si fière de sa conclusion, que je n’ai pas voulu lui faire de peine en lui demandant ce qu’elle entendait par notre « team ». Heureusement, les rayons gamma (à vérifier auprès d’un télévisiologue) de la télévision l’avaient aussi apparemment rendu télépathe, car elle a répondu à ma question muette :

Les jumeaux Geek et Alex, ça te dit quelque chose ?

J’ai sauté du canapé comme une puce de son chien (du point de vue de la puce, le chien c’est un canapé sur patte) :

Non, non et 3 fois non ! Point d’exclamation final !

Et voilà comment après avoir téléphoné à Jérémie, on s’est retrouvé devant sa porte.

***

La porte en question était fixée sur une maison de deux étages, lovée dans un jardin fleuri et arboré (proche tous commerces, pour ceux que ça intéresse).

Mathilde avait le doigt figé depuis maintenant plusieurs secondes. Je tentai d’entrer en communication labiale avant que des fourmis ne viennent coloniser ses phalanges distales (s’adresser au squelette en classe de SVT, pour plus d’informations) :

Euh… Mathilde, tu es toujours là ?

Elle a enfin baissé son index :

Moi oui, mais la sonnette…

Je regardais sur le bord, il n’y avait que du lierre. Pourquoi depuis le début de cette histoire, ouvrir une porte était toujours problématique ?

J’ai dû rater une marche de l’évolution, a dit Mathilde, on est peut-être passé à la sonnette végétale ? elle a haussé les épaules, signe d’abandon de toutes ses facultés cérébrales, et elle a appuyé au hasard sur une des feuilles de la plante grimpante.

Et le lierre a carillonné !

Parfois, Mathilde a des intuitions magiques, le bouton était caché juste dessous (La prochaine fois, penser à ramener un sécateur).

***

Ding Dong ! (Jingle fin du flashback. Si tout s’est bien passé, on n’a pas dû avancer d’un pouce de puce depuis le début du chapitre. Oui, c’est un peu décevant !)

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