Chapitre 2 – Mathilde et compagnie

Le lendemain, je suis retournée au collège, et après la démonstration de la veille, j’étais presque contente de me retrouver dans la cour avec des surveillants en chair et en os !

Mathilde, ma meilleure amie, s’est précipitée dès qu’elle m’a vue arriver. Elle habite dans le même immeuble que moi. Elle au 1er et moi au 5éme. Mais le matin elle arrive toujours avant, histoire de « prendre la température » (c’est son expression, je ne fais que l’emprunter avec son aimable autorisation). En résumé, c’est un peu de l’ornithologie, mais il faut remplacer les oiseaux par les élèves. Elle écoute le piaillement de la cour pour avoir les dernières infos, croustillantes de préférence. Une sorte de twitter préhistorique quoi ! Quand j’arrive, elle a déjà tout un tas d’histoires à raconter. Mais ce matin-là, c’est moi qu’elle a écoutée.

Pas possible ! a dit Mathilde à la fin de mon récit, ce truc va vraiment te surveiller quand tes parents seront pas là !

Ouai, t’imagines, je pourrais pas sortir de chez moi, pas regarder la télé après 21h30 et seulement des chaînes que le bidule m’autorise.

Pas possible ! Et l’ordi, t’as droit à l’ordi quand même ?

Oui… dans mes rêves.

Pas possible ! Mais tes parents sont des MONSTRES !!

Faut pas exagérer, ils disent que ça les rassure de savoir que GOGOL veille sur moi.

GOGOL ! Mais faut être un peu perturbé pour appeler ce truc GOGOL non ?

Euh, là c’était mon idée…

Pas possible…

Mathilde avait l’air encore plus dépité que moi, mais avant qu’elle ne me resserve un « pas possible » (je suis sûre que ça commence à vous énerver vous aussi), je lui ai dit qu’il fallait qu’on trouve un moyen de neutraliser mon surveillant-espion 2.0.

Au moins, tu pourras descendre chez moi quand tes parents seront partis !

Ben ouai, y’a pas de raison qu’ils aillent prendre du bon temps, et que moi je reste seule à la maison, avec la super aubergine en train de me renifler.

Sauf que pour arriver à échapper à sa surveillance, il va falloir être calé en informatique, je vois pas comment tu…

Mathilde s’est arrêtée net de parler, comme si quelqu’un lui avait mis un revolver dans le dos.

Qu’est-ce qui se passe ? T’as buggé ? lui ai-je demandé un peu inquiète.

Alors elle s’est mise à agiter son index et remuer les yeux, et m’a dit du bout des lèvres

Regarde là-bas, y’a ta solution !

Mathilde, tu peux arrêter ton numéro de ventriloque, c’est vraiment pas au point et en plus je comprends rien… là ? Où ça, là ?

Et je me suis retournée, et je l’ai vu !

***

Pour faire court, ce que j’ai vu c’est Jérémie.

Bon ok, je vais faire un peu plus long, même si ça ne le mérite pas !

Ça, donc, puisque vous insistez, c’est Jérémie, ou bien le « beau Jérémie » comme l’appelle Mathilde, ou bien « Jérémie le garçon le plus craquant du collège », toujours d’après Mathilde.

Alors oui, peut-être qu’il a de beaux cheveux, un beau visage, de belles dents, de beaux yeux, sûrement deux beaux pieds qui sentent bon en plus. Mais est-ce qu’il est beau ? je n’en sais rien et ce n’est pas le problème ! Le problème de Jérémie, c’est qu’il a une terrible maladie : c’est un Geek ; vous savez, ce genre de personne qui voit la vie en pixel et qui sait mieux écrire avec un clavier qu’avec un stylo.

Jamais ! même pas en rêve j’approche de lui, il doit être contagieux en plus.

Être Geek, ce n’est pas une maladie mademoiselle, m’a dit doctement Mathilde, même si je dénote une légère poussée de fièvre au niveau de vos joues ! Le beau Jérémie vous ferait-il de l’effet ?

Non mais, tu dis n’importe quoi ! C’est juste que… je ne parle pas son langage de, de… de robot !

Il n’empêche, a poursuivi Mathilde avec un air de défi, c’est soit Jérémie 2.0 soit ta courgette espion 2.0

***

Comment je me suis retrouvée devant lui, je ne sais plus ! J’ai senti quelqu’un me pousser dans le dos et puis mes jambes se sont mises en mouvement, et avant que je n’aie le temps d’appuyer sur la pédale de frein, j’étais nez à nez (ah tiens ? Il a un beau nez aussi), avec le garçon le plus craquant du collège… euh… avec Jérémie.

Il a ouvert de grands yeux en me voyant m’arrêter pile devant lui, si près que je pouvais me voir dans ses pupilles. Je confirme que j’avais l’air d’une grosse tomate mûre à point.

Oui ? a dit Jérémie avec un soupçon de méfiance dans la voix.

Euh…

Je me suis retournée rapidement dans la direction de Mathilde, juste le temps de lire un « vas-y ! » sur ses lèvres, et puis je suis revenue à ma position de départ comme un ressort. Ouf ! Jérémie avait légèrement reculé. J’en ai profité pour prendre une grande respiration :

C’est vrai ce qu’on dit ? Que t’es super fort en informatique ?

J’ai cru voir ses joues se teinter de rouge. Jérémie serait-il timide ?

Ça dépend ? Pourquoi ?

C’est que… j’ai un problème… qui nécessiterait une personne très calée… mais bon, peut être que je me suis trompée, et j’ai commencé à reculer.

Je sais, c’est une technique vieille comme le monde (environ 4,5 milliards d’années pour ceux que ça intéresse), poser une question et partir, pour que la personne interrogée se sente obligée de vous retenir. Mais là, je me trouvais tellement idiote, que tout ce que je voulais, c’était retourner voir Mathilde pour lui dire que son idée était stupide !

Et attends ! Peut-être que je peux t’aider, enfin ça dépend du problème bien sûr.

Mince ! La technique ancestrale avait fonctionné malgré moi, et en plus, il était modeste ! Alors, je lui ai tout dis, enfin presque, je lui ai épargné la blague du fou qui repeint… enfin, vous savez quoi.

Au début, il m’a écouté sans broncher. Mais au bout de deux minutes, il s’est mis à tripoter un stylo qu’il avait dans la poche de son polo. J’ai bien cru que je commençais à l’ennuyer avec mon histoire, alors en plein milieu de ma phrase j’ai dit :

… et le fou dit à l’autre : et elle s’appelle « Revient » ! Et ne l’appelle pas Robert ça pourrait la vexer !

Hein ? C’est quoi le rapport ? m’a dit Jérémie.

Re-Mince, il écoutait vraiment ce que je lui disais.

Euh… Rien, c’est que… j’avais l’impression que ton stylo t’intéressait plus que mon histoire.

Un grand sourire façon Joconde (énigmatique si vous préférez) s’est épanoui sur son visage :

Ah, ça… bon, je crois que j’en sais assez, mon stylo et moi, on va réfléchir à ton problème, à plus !

Et il m’a laissé en plan comme une vieille tomate pourrie.

***

Et c’est tout ? m’a interrogé Mathilde quand je suis allée la retrouver. Il t’a dit « à plus » et il est parti ! Comme ça ! Mais pour qui il se prend le Geek ! Et d’abord, qui dit encore « à plus » à notre époque ? Elle était furax.

Les mêmes personnes qui mettent des stylos dans la poche de leur polo je suppose, lui ai-je répondu un brin rêveuse.

À la suite de cette révélation capitale, qui eut lieu à neuf heures zéro zéro, nous allâmes au premier cours de la journée. (Un peu de passé simple, à consommer avec modération !)

***

Comme tous les jours, à mon douzième gargouillis, midi plus ou moins une minute d’après mon estomac, on s’est retrouvée à la cafet’ du collège. On s’est assise à une table de quatre, Mathilde, deux autres copines et moi (2+2=4, je précise, même si vous êtes forts en maths).

La cafet’, c’est un peu comme en cours, mais au lieu de se remplir la tête, on se remplit le ventre, et au lieu de discuter à voix basse, on peut crier sans déranger personne, vu que tout le monde parle bruyamment.

Mathilde ne s’est pas fait prier pour raconter mes mésaventures de la matinée :

Non mais sérieux ! Il doit avoir un problème ce gars, déjà beau qu’une fille comme Lola lui adresse la parole ! Et lui, il s’échappe, tranquille dans son p’tit polo…

A poche, ai-je ajouté, très important la poche, pour mettre son p’tit stylo.

Non mais ils sont malades ces Geeks !  a dit Sarah en vrillant son index sur sa tempe.

Tu vois, je l’avais dit, être Geek c’est une maladie. J’espère qu’il m’a pas contaminée ?

On va faire le test, a proposé Amélie avec un sourire en coin. Ferme les yeux !

Je l’ai entendu trifouiller dans son sac à dos, et j’ai senti qu’elle me mettait quelque chose sous le nez.

Alors ? c’est quoi ça ? C’est quoi ? Cherche mon geek… cherche…

Ok, je crois que j’avais compris son idée. Je me suis mise à renifler comme un chien qui a senti une saucisse et j’ai tiré la langue en haletant comme… euh… un chien qui a senti une saucisse (ce n’est pas évident de trouver une nouvelle image à chaque fois, j’aimerais vous y voir !). Et j’ai débité à toute vitesse :

C’est un… aiePhone, dorée, j’ai reniflé encore un coup, non… rose ! Doté de 3 micros 4 haut-parleurs, le WIFI, le Bluetooth, une antenne satellite, un ouvre boîte et … une coque en feuille de banane bio !

Malédiction ! s’est exclamée Amélie, le virus a gagné les zones les plus reculées de son cerveau.

Une seule solution : l’éradication ! a crié Sarah qui prenait le relai.

Et elle a fait mine de me tirer dessus avec son index pointé en direction de mon front : Pout ! (Elle avait mis un silencieux au bout de son doigt, sinon ça aurait fait : Pan, bien sûr !)

J’ai porté la main à ma tête, après qu’elle soit passée rapidement par mon assiette récupérer un peu de ketchup ; car c’était steak en carton frites en bois au menu.

Argghhh, je suis mortellement touchée !

Je sentais le ketchup dégouliner entre mes yeux, ça devait être du plus bel effet !

Mathilde, je te lègue mon dessert, mange-le en souvenir de moi… et pas le contraire je t’en suppliiiiie… !

Et je me suis effondrée sur la table ! Mes trois copines ont éclaté de rire.

***

Je faisais toujours la morte à côté de mon assiette, lorsque du coin de l’œil j’ai aperçu une paire de baskets entrée dans mon champ de vision. Simultanément, les rires ont cessé, et j’ai entendu Mathilde faire un « hum, hum ». Alors, j’ai lentement relevé la tête. J’ai vu apparaître le bas d’un tee-shirt, j’ai continué ma remontée, et mon regard a croisé, oh misère, une poche, puis, oh surprise, un col, et juste au-dessus…

Oh ! Salut Jérémie ! Ça va depuis tout à l’heure ?

Je prononçais cette dernière phrase en grimaçant comme si j’avais les lèvres gercées.

Il avait son drôle de sourire à la bouche et les joues légèrement teintées de rose. Il m’a dit dans un souffle :

Rendez-vous à 13h au Club d’Informatique

Et il a continué son chemin jusqu’à une table au fond de la cafet’.

Les filles m’ont regardée, interloquées (voir dictionnaire non fourni pour la définition), j’avais subitement trop chaud.

Il est craquant ! a soupiré Mathilde, comme si elle avait oublié tout ce qu’on venait de dire.

Tu vas vraiment aller là-bas ? Chez les Geeks ? m’a demandée Sarah avec un léger tremblement dans la voix.

Je ne sais pas si c’est à cause de cette question en forme d’avertissement, mais un frisson m’a parcouru l’échine, et comme vous le dira tout bon météorologue, la rencontre d’une masse d’air chaud et d’une masse d’air froid provoque souvent des phénomènes orageux. Résultat, j’ai éternué le ketchup qui avait coulait jusqu’à mon nez, et une fine pluie de sauce tomate est venue parsemer le doux visage d’Amélie de taches de rousseur… rouges !

Chapitre 1 – La boite

Ce jour-là, lorsque je suis rentrée du collège, mes parents avaient l’air vraiment excités.

Viens par ici, Lola ! a dit ma mère en me voyant passer le pas de la porte.

Je me suis approchée avec méfiance. Elle et mon père étaient debout, devant la table du salon, ils regardaient une grosse boîte en carton, un grand sourire aux lèvres, le genre de sourire qu’ils ont lorsqu’ils feuillettent les albums photos de mes années couches-culottes. J’ai alors pris ma grosse voix de femme des cavernes pour demander :

Qu’est-ce qu’il y a dans cette boîte ? Un petit frère ou une petite sœur ?

Ne dis pas de bêtise ! a répondu mon père qui commençait à ouvrir la boîte.

Ou alors c’est une niche ! C’est ça ? Vous avez décidé de m’acheter un chiot ?

Ma mère a pris son air mystérieux et a plongé ses mains dans la boîte, bientôt rejointes par celles de mon père.

Lola, nous te présentons… ta nouvelle nounou !

Et ils ont sorti un gros suppositoire de la boîte en carton.

***

Je les ai regardés lentement, à tour de rôle, avant de détailler l’objet qu’ils brandissaient fièrement dans leurs mains. De toute évidence, il y avait certaines personnes qui avaient perdu la boule ici, et j’espérais vraiment ne pas en faire partie !

Ce truc en forme de suppositoire c’est…

C’est un « surveillant familial connecté 2.0 », m’a coupé mon père dont le sourire semblait vouloir chatouiller les oreilles. Doté de 3 micros, 4 haut-parleurs, le wifi, le Bluetooth, le …

Je l’ai vite interrompu avant qu’il ne se transforme en vendeur d’électroménager :

Ok ok ! Mais c’est quoi le rapport avec une nounou ?

Cette fois-ci, c’est ma mère qui a pris la parole, laissant mon père continuer son descriptif pour lui-même « 5 ports USB, 32 giga de mémoire, 2 webcams… » :

Ecoute Lola, nous savons que tu aimerais bien rester seule à la maison le soir, mais ton père et moi pensons que 11 ans c’est encore un peu trop jeune. Alors comme tu ne veux pas de nounou, nous avons acheté ce « suppositoire » comme tu dis, connecté. Lorsque nous sortirons, il veillera sur toi pour te rassurer.

Je ne sais pas vous, mais moi, je dois constamment remettre les phrases de mes parents dans le bon ordre, pour leurs faire avouer ce qu’ils pensent vraiment.

Si je comprends bien, ai je dis en prenant mon temps, cet objet en forme d’obus, et là j’ai appuyé sur l’accélérateur, est un super espion qui va me surveiller en votre absence !

Ma mère a semblé à son tour vouloir réordonner mes mots, pour faire passer le suppositoire. Mon père a alors profité de ce temps mort, pour revenir dans la conversation :

C’est exactement ça mon poussin ! Grâce à cet assistant familiale 2.0, nous connaîtrons tes faits et gestes où que nous soyons. Tu ne pourras plus tirer la chasse sans que nous recevions une alerte, gloussa-t-il. Génial non ?

Euh non, pas vraiment ! Déjà se faire appeler « mon poussin » me hérisse les plumes, mais en plus, savoir que j’allais avoir une laisse invisible chaque fois que mes parents iraient faire la fiesta, ça c’était le bouquet qui faisait déborder le vase !

Un flot de paroles, dont certaines que j’aurais pu regretter, était en train d’affluer dans ma bouche, quand, du coin de l’œil, j’ai vu ma mère pousser un grand soupir. Son gentil mari, mon gentil père, venait de démolir sa tentative de me convaincre des bienfaits de ce gros cornichon métallique. Emue par la détresse que je sentais poindre sur sa figure, je ravalais ma rage naissante, et laissais mon estomac digérer ma colère. Puis, après avoir vérifié que mon cerveau avait bien repris le contrôle de ma langue, j’ai dit avec la voix d’un vieux sage :

Qu’il en soit ainsi ! Je m’en remets à votre décision bienveillante.

Et, dans un grand geste magnanime en direction de la chose connectée, je prononçais ces mots :

Soit le bienvenu, Oh suppositoire 2.0 ! Désormais tu compteras chacune de mes crottes, et détectera chacun de mes pets !

Ma mère a failli s’étrangler de surprise.

Hum…, a conclu mon père en réajustant ses lunettes, je suppose que cette déclaration vaut pour acceptation ?

***

Après cela, il a fallu brancher le surveillant 2.0. Mon père a pris les choses en main, sorti le manuel, étalé les câbles, brancher une prise ici, une autre là, raccordé le machin au bidule, et m’a annoncé avec une pointe de fierté dans la voix :

Tu peux l’allumer, à toi l’honneur !

D’accord, mais où est le bouton ?

Comment ? a réagi mon père, le bouton… et bien il est euh…, il a tourné légèrement autour de l’assistant, pas là…, il a soulevé moins légèrement l’assistant, pas ici non plus…, il a retourné franchement l’assistant, bon sang mais il est où ce satané bouton ?!!

Ma mère, rompue à ce genre de situation, a pris le manuel et commencé à le feuilleter :

Restons calme, c’est un appareil ultra moderne, peut-être n’a-t-il pas de bouton de démarrage, il suffit de lire la notice…

Ou peut-être de le frotter comme la lampe d’Aladin ? ai-je ajouté en frictionnant l’assistant.

Non, non ! a hurlé mon père. Fais attention ! C’est un appareil ultrasensible !

Oh, il ne va pas se mettre à pleurer le p’tit bibendum 2.0 quand même ! j’ai continué, narquoise.

J’ai trouvé ! a dit ma mère en levant sa main pour arrêter la joute verbale qui n’allait pas tarder à dégénérer. En fait il est déjà allumé, il attend juste que l’on prononce la phrase d’activation.

Ah ? Et quelle est la phrase ? a demandé mon père qui commençait à s’impatienter.

Eh bien celle que l’on veut, il suffit de poser la main sur l’assistant et de dire une phrase commençant par OK.

Je remplissais déjà la première condition, j’avais la main sur le bidule alors, prenant mon père de vitesse, j’ai crié :

OK GOGOL !

GOGOL OK ! a répondu l’assistant.

***

Mon père est intelligent, c’est un fait établi par lui-même ! Et le fait que je sois moi-même intelligente (ça c’est moi qui le dis), plaide en sa faveur. Mais sur ce coup-là, ça n’a pas suffi. Il a été incapable de changer la phrase d’activation. Il a pourtant posé sa main sur l’appareil en criant « OK ALBERT » : il est fan d’Albert Einstein, « OK Angelina » : il aime bien Angelina Jolie (mais ne le dites pas à ma mère), la chose a répondu à ses injonctions, par un bourdonnement poli.

Non mais, pour qui il se prend ? s’est emporté mon père, prenant ma mère et sa fille (moi par conséquent si vous suivez bien) pour témoin. Vous entendez comme il me parle cet objet méprisant ?

Ben justement non, a répondu naïvement ma mère, je n’ai rien entendu, et toi ?

Moi non plus, rien de rien ! Peut-être que papa entend des voix dans sa tête ? C’est une maladie mentale qui porte un nom je crois, euh…

Non mais vous allez arrêter de vous moquer de moi ? (Bon, en fait il a dit un autre mot que je ne peux pas écrire)

Là, il a commencé à s’exciter, à secouer le bidule, et lui filer des baffes en hurlant :

Non mais tu vas me répondre espèce de gogol !

OK GOGOL ! a répondu l’espèce de gogol 2.0.

De surprise et de dépits, mon père a baissé les bras.

Ok, tu as gagné la première manche, mais le match n’est pas terminé.

Je suis sûre qu’entre têtus ils vont finir par se comprendre, m’a chuchoté ma mère.

Et on s’est éloignée sans faire de bruit, pour laisser mon père aux prises avec son adversaire 2.0.

***

Deux heures après, on a entendu un rire provenant du salon. On s’est précipité avec ma mère. « Ça y est ! » j’ai pensé, « mon père est devenu fou, le concombre métallique a dû lui griller le cerveau avec son WIFI et tout son attirail ».

Tu vas bien ? s’est enquit ma mère, tu es sûr que…

Mon père était hilare :

Oui oui, c’est juste que GOGOL vient de me raconter une bonne blague.

Je crois que j’ai dû faire des yeux de lémurien parce qu’il a ajouté :

Non mais tu en fait une de ces têtes Lola ! Regarde, j’ai parfaitement paramétré GOGOL, maintenant il m’obéit au doigt et à l’œil !

Et il a agité son index, comme si c’était une baguette magique.

OK GOGOL, raconte leur la blague !

Euh, c’est toi qui me fais une blague là papa, non ?

Mais non, écoute, a murmuré mon père.

Et avant que j’aie le temps de soupirer, GOGOL a commencé à parler de sa voix d’aubergine métallique :

C’est l’histoire d’un fou qui repeint son plafond. Un autre fou passe par là et lui dit : « Accroche toi au pinceau, j’enlève l’échelle ! ».

Un frisson m’a parcouru l’échine, j’ai regardé ma mère en quête d’un soutien psychologique, elle a haussé les sourcilles, et ça m’a un peu rassuré. De toutes les blagues nulles, celle-là était la plus nulle du système solaire, de la galaxie, de l’univers, et du reste.

Attend la chute, a pouffé mon père en voyant ma mine déconfite.

Hein ? C’est pas fini ?

Chut, il ménage son effet…

Bon sang, mais qu’est-ce que ce qu’on peut rajouter après un bide pareil ? Eh bien ça :

Alors le premier fou répond au second : ok je tiens bien le manche, tu peux la prendre, mais elle s’appelle « Revient » ! Et ne l’appelle pas Robert elle risquerait de se vexer.

Je ne sais pas vous, mais moi, les plus grands moments de gêne que j’ai vécu, je crois que je les dois à mes parents. Et mon père, en riant aux éclats pour la deuxième fois à la même blague nulle, venait d’en compléter la liste.

Bien ! a dit ma mère, et à part ça ? Qu’est-ce qu’il fait ce « coûteux » objet ?

Mon père a cessé de rire et s’est raclé la gorge. Quand ma mère insinuait qu’on avait jeté de l’argent par la fenêtre, il fallait réagir, et vite ! Il a alors commencé à débiter une série d’ordres à toute vitesse.

OK GOGOL, allume la lumière !

Et la lumière fut !

OK GOGOL, verrouille la porte !

Et le bruit sourd du verrou a raisonné depuis l’entrée

OK GOGOL, combien de personnes sont dans l’appartement ?

Je dénombre trois personnes ! a répondu GOGOL

OK GOGOL, fait ton rapport par téléphone !

Et trois secondes plus tard le portable de mon père s’est mis à sonner. Il a alors décroché, mis le haut-parleur et nous avons reconnu la voix de GOGOL qui disait :

Lumière allumée, porte verrouillée, trois personnes détectées.

Mon père a raccroché son téléphone et le nez bien haut, torse bombé, il a prononcé un seul mot :

Alors ?

Ma mère a dégainé sa langue la première :

Alors… c’est très impressionnant ! Vraiment, très impressionnant ! Mais comment ça fonctionne ?

Je suis restée silencieuse. Il fallait que j’en apprenne plus sur le fonctionnement de cet engin, parce que même si j’avais fait mine d’accepter sa présence (voir le début de l’histoire pour ceux qui ont des mites dans le cerveau), j’aurais peut-être un jour besoin de savoir déjouer sa surveillance !

Mon père a réajusté ses lunettes :

Eh bien, j’ai dû d’abord le familiariser à la reconnaissance de ma voix en lui parlant lentement, puis de plus en plus vite. Ensuite, j’ai installé tout un tas de capteurs dans la maison. J’ai remplacé les interrupteurs des lumières par ceux fournis dans la boîte, et monté le nouveau verrou automatique sur la porte d’entrée. Pour finir, j’ai téléchargé l’application qui me permet de tout contrôler à distance où que l’on soit.

Woua ! s’est exclamé ma mère,C’est impressionnant, vraiment très impressionnant, je veux dire, tout ce que tu as fait en à peine deux heures !

Parfois, sans que je m’y attende, mes parents font des trucs incroyables ! Et là mon père dans son style, venait de faire quelque chose d’incroyable, il avait transformé ce bout de métal en véritable surveillant du futur. Le seul petit problème, c’est que c’est moi, que ce bidule suréquipé allait surveiller !